Diamniadio au Sénégal : ville nouvelle, vieilles pratiques

Le projet urbain rufisquois aurait une face cachée, que veulent révéler la société civile et la presse. Celles-ci dénoncent des atteintes aux droits humains et une dégradation de l’environnement.

Plusieurs associaciations de la société civile s’inquiètent des conditions de travail des ouvriers sur les chantiers de la ville nouvelle de Diamniadio, au Sénégal. © Damien Glez

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Publié le 8 février 2023 Lecture : 2 minutes.

Le scénario a un parfum de déjà-vu, de la construction des infrastructures de la récente Coupe du monde qatarienne aux chantiers actuels des Jeux olympiques de Paris 2024. À Diamniadio, ville sénégalaise du futur, le clinquant dissimulerait des atteintes à la dignité humaine – en particulier de travailleurs étrangers –, entorses dénoncées par la branche locale d’Amnesty International et documentées par la presse, notamment dans un reportage de l’Agence France-Presse (AFP).

La vitrine est rutilante : incarnation de la décentralisation haut de gamme, la commune du département de Rufisque dispose d’une Arena de 15 000 places, d’un Stade olympique capable d’accueillir 50 000 personnes, ou encore de l’université Amadou-Mahtar-M’Bow. Pour désengorger Dakar, Diamniadio, situé à une trentaine de kilomètres du centre-ville de la capitale, abrite un important projet dénommé « Plateforme du Millénaire » où commencent à se concentrer habitations de luxe, activités industrielles et commerciales, mais aussi administrations nationales ou internationales. Structure de 60 000 m2 en forme d’étoile dite « tourbillonnante », le nouveau bureau de l’ONU au Sénégal mobilise particulièrement l’attention.

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Le cocktail magique de l’économie libérale

S’il prend parfois des airs de mirage, le miracle diamnois a attiré des migrants venus de Sierra Leone, de Guinée ou encore du Nigeria. Sous le vernis de la modernité, des témoignages évoquent des pratiques moyenâgeuses. Au nombre des manquements présumés : un déficit de protection de certains ouvriers, des licenciements abusifs sans indemnités, des journées interminables pour un salaire parfois inférieur aux normes minimales, des jours de repos fantômes, des logements décrépis, des accès aux soins approximatifs, des techniques managériales agressives qui nuancent la notion de consentement des employés et même la perturbation écologique de la plaine.

Le futur des citoyens à venir doit-il dévorer leurs devanciers ? À Diamniadio comme ailleurs, l’économie libérale mise sur le cocktail magique : la nationalité étrangère des ouvriers fragilisés par leur expatriation, la concurrence à tous crins des demandeurs de tâches et le statut de journalier pour lequel les exigences contractuelles sont minimalistes.

Après une étude de l’AFP sur certains chantiers dont la société chinoise WIETC a la charge, son directeur général pour l’Afrique de l’Ouest, He Shenjian, a rétorqué qu’il « se conformait entièrement à la législation ». Ligne de défense confirmée par le maître d’ouvrage des sites incriminés, Madani Tall, qui affirme « n’avoir été informé d’aucun mauvais traitement jusqu’alors ». Les deux décès enregistrés sur le site de l’ONU seraient liés à une crise d’épilepsie et un accident. Certes, en matière d’aménagement, le progrès suppose des sacrifices, comme l’apprennent les populations parfois délogées. Mais sa course folle doit pouvoir ménager les droits humains élémentaires.

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