Pointe-Noire : une jeune congolaise de 90 ans
Elle a bien grandi depuis sa naissance, le 11 mai 1922. Dopée par ses activités pétrolières et réputée pour sa douceur océane, la capitale économique du Congo a vu sa population décupler depuis les années 1960. Malgré sa bonne fortune, elle peine aujourd’hui à être une cité où il fait bon vivre pour tout le monde.
Pointe-Noire : identités plurielles
Dans quelle métropole africaine peut-on trouver des restaurants éthiopiens, français, chinois, libanais, italiens ? Où croise-t-on des Chinois raffolant de feuilles de manioc, de Ngok’ (la bière locale) et trinquant sans chichi avec les mindele (Blancs) et les autochtones ? Une ville sans monument ni musée ? Dont l’artère principale porte le nom d’un président français (Général-de-Gaulle) et une place celui d’un commerçant grec (Kastanis-Kassaï) ?
Ce lieu cosmopolite où la mer rugit sans cesse, c’est Pointe-Noire, la capitale économique du Congo. Une cité vivante, riche de la diversité, du dynamisme et de la propension à rêver de ceux qu’attire l’océan… ou l’odeur du pétrole. Pourtant, l’or noir puisé dans les entrailles de l’Atlantique est loin, très loin d’avoir transformé la ville-département en petit émirat. N’empêche, le secteur pétrolier constitue le premier employeur de la cité et le premier contributeur au PIB du pays.
Terminus Atlantique
Ici, la première richesse est la mer, depuis toujours ; depuis Ndji-Ndji, le village de pêcheurs autour duquel, au début du siècle dernier, la ville a été bâtie. Principale porte du pays et du bassin du Congo sur le golfe de Guinée, son port joue un rôle essentiel pour le transit maritime en Afrique centrale.
Pointe-Noire, c’est aussi le Congo-Océan, la célèbre ligne de chemin de fer dont la construction, de 1921 à 1934, a coûté la vie à quelque 20 000 travailleurs. Malgré ses difficultés actuelles, le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) continue de relier la capitale économique du pays, son terminus sur l’Atlantique, à la capitale administrative, Brazzaville, sur le fleuve Congo. Dans moins de deux ans, lorsque seront achevés les 500 km de la RN1 (lire p. 80), il ne sera enfin plus la seule liaison terrestre entre les deux premières villes du pays. En attendant, les plus aisés prennent l’avion – ceux qui viennent de l’étranger atterrissent directement à Pointe-Noire -, les autres prennent leur temps avec le train.
Lorsqu’on demande aux étrangers établis à Pointe-Noire de longue date ce qu’ils en pensent, ils ne tarissent pas d’éloges, à l’instar de l’homme d’affaires d’origine libanaise Elie Chelala. Il parle d’une ville « ouverte, hospitalière, sécurisée et propice aux affaires, foisonnant de micro-industries, où de plus en plus de commerçants viennent s’installer », souligne le niveau de consommation élevé, insiste sur le cadre de vie « exquis, marqué par la présence de la mer et du soleil toute l’année ».
Victime de sa réputation de pays de cocagne, Pointe-Noire a vu affluer des vagues de nouveaux arrivants, attirés « par mirage ou par nécessité », selon l’expression d’un fonctionnaire municipal. À la faveur de la découverte des gisements pétroliers et miniers (de potasse) dans les années 1970, puis de la relative quiétude de la cité lors des crises qui ont secoué le pays dans les années 1990, la ville est passée en quarante ans de 200 000 habitants à plus de 1 million. Elle est sortie de ses limites.
Erratique
Un casse-tête pour une municipalité qui, faute de moyens pour financer les infrastructures, assiste quasi impuissante à une urbanisation erratique accentuée par les dérapages sur la question foncière (la conférence nationale a accordé tous les droits aux propriétaires coutumiers, qui en usent et en abusent). Des quartiers précaires sans services de base ont poussé à la périphérie du centre-ville, surtout à l’est. Partout, la voirie et le système d’écoulement des eaux laissent à désirer, à tel point qu’en cas de pluie les rues se transforment en rivières.
Les autorités locales sont tout de même parvenues à engager les travaux les plus urgents, dont les chantiers sont en cours : réaménagement des artères principales, assainissement, création de caniveaux, de trottoirs… Un programme de construction de logements est prévu dans le quartier de Mpita (au sud du centre-ville), avec le concours de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD), ainsi qu’un programme d’assainissement des quartiers précaires, mené avec le soutien de l’ONU-Habitat. La valorisation du bord de mer est également prévue. Et l’interdiction de la commercialisation et de l’utilisation des sacs en plastique, entrée en vigueur fin janvier, devrait contribuer à l’amélioration de la propreté.
Démunie
En matière économique, si les entreprises sont nombreuses, le poids de l’informel reste important. Le secteur touristique est loin d’être organisé, alors que la cité balnéaire et ses environs disposent de nombreux atouts – hôtels, restaurants, sites naturels. Plus étonnant encore, Pointe-Noire compte de bons établissements scolaires jusqu’au secondaire mais, au-delà, ne dispose que de la seule École supérieure de technologie du littoral, fondée par des particuliers. Pas d’université ni de centre spécialisé où former la jeunesse, principal atout de la ville, à des métiers en rapport avec les activités locales.
Malgré la manne pétrolière, Pointe-Noire donne l’impression d’être démunie. Son développement économique et social serait sans aucun doute décuplé si les pouvoirs publics, dans le cadre de la redistribution des ressources, lui donnaient ne serait-ce qu’un tout petit peu plus de moyens.
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Tshitenge Lubabu M.K., envoyé spécial
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