Pointe-Noire : Ponton, la belle d’antan

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 18 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Pointe-Noire : identités plurielles
Issu du dossier

Pointe-Noire : identités plurielles

Sommaire

Les villes côtières ont ceci de singulier qu’elles exercent une attirance quasi magnétique. De partout, comme envoûtés par un sortilège de sirène, les hommes y accourent, s’installent, s’enracinent. Pointe-Noire, 90 ans, n’a pas échappé à la règle. Avec son million d’âmes, la capitale économique du Congo est une mosaïque de peuples et de cultures. « C’est par la mer que les civilisations arrivent », m’a dit l’une de ses habitantes, reflétant ce sentiment bien ancré dans l’esprit des Ponténégrins d’être différents des autres Congolais. « À Brazzaville, les gens consacrent l’essentiel de leur temps aux intrigues politiques ; ici, c’est l’économie qui nous intéresse. »

Qui dit Pointe-Noire pense à son port, au pétrole et à une multitude d’industries. La cité se rêve en eldorado. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. D’abord, la métropole a gardé sa configuration héritée de l’époque coloniale. D’un côté, le coeur de la ville, réservé aux Européens, aux affaires et aux activités. Jadis, pour y accéder, les Congolais devaient prouver qu’ils allaient travailler. De l’autre, la cité indigène, sans infrastructures.

la suite après cette publicité

La cité se rêve en eldorado. Mais il y a encore loin de la coupe au lèvre.

Cinquante ans après l’indépendance, se rendre au centre-ville n’est plus un problème. Mais la cité reste réservée aux « damnés de la terre ». Ce capharnaüm où l’eau potable et l’électricité sont un luxe s’est étendu dans tous les sens et, avec lui, les problèmes d’insalubrité et de transports. Ici, on parle d’urbanisation subie, du manque de plan directeur, des dégâts consécutifs à une loi foncière qui favorise l’anarchie, autorisant chacun à vendre ou acheter des terrains n’importe où et à construire n’importe comment. 

Pour beaucoup, la ville est pauvre. Malgré ses intenses activités pétrolières et portuaires, la fille du bord de mer ne profite pas assez des revenus du pétrole, qui ne lui sont pas versés directement. Ils prennent d’abord le chemin de Brazzaville, avant d’être redistribués par l’État à l’ensemble des régions et communes du pays en fonction de leurs besoins. Pourtant, ceux de Pointe-Noire sont énormes. Parce qu’elle compte un grand nombre d’habitants (c’est la deuxième ville du Congo par sa population) et parce que, depuis des années, les infrastructures n’ont pas été remises à niveau ni étendues : voiries pour la plupart en mauvais état, caniveaux inexistants ou bouchés depuis des lustres, quartiers périphériques non viabilisés… Même constat du côté des services : pas de transports collectifs dignes de ce nom ni de société de collecte et traitement des déchets.

Que faire pour que la métropole soit, enfin, digne de sa réputation de capitale économique du Congo ? Il faudra, sans doute, que les pouvoirs publics lui donnent, ainsi qu’aux autres grandes villes, beaucoup plus de moyens, afin qu’elle se développe dans le cadre d’une gestion autonome. La décentralisation administrative, c’est bien. Si elle s’accompagne d’une décentralisation des moyens, c’est mieux.

la suite après cette publicité

La ville doit aussi valoriser ses atouts. Aujourd’hui comme hier, elle est le berceau de femmes et d’hommes de qualité, qui ont brillé et brillent dans divers domaines. Pour remodeler son visage et bien grandir, Pointe-Noire doit s’intéresser davantage à sa jeunesse, en mettant l’accent sur une formation de qualité basée sur la spécialisation dans les différents secteurs d’activité. Elle doit revaloriser la culture, soutenir ses artistes et créateurs, offrir des espaces appropriés à une jeunesse souvent désoeuvrée. C’est à ce prix seul qu’elle pourra de nouveau mériter son doux surnom de Ponton-la-Belle.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Dans le même dossier

Le très chic Atlantic Palace. © Muriel Devey

Pointe-Noire : attractions littorales… et économiques