Belgique : les mouchards de la Toile

Les nationalistes flamands du Vlaams Belang ont lancé un site permettant de dénoncer les étrangers en situation irrégulière. Un nouveau coup médiatique pour le parti, en perte de vitesse.

Filip Dewinter, leader de la formation d’extême droite, le 30 mars. © Nicolas Maeterlinck/AFP

Filip Dewinter, leader de la formation d’extême droite, le 30 mars. © Nicolas Maeterlinck/AFP

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 17 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

« Meld illegaliteit nu! » (« Signalez l’illégalité maintenant ! ») Ce message en caractères noirs, qui se détache à côté de l’ombre rouge et menaçante d’un avion au décollage (rempli d’immigrés ?), trouverait parfaitement sa place sur le blog d’un groupuscule néonazi, mais il est le fait d’un parti représenté au Parlement belge, le Vlaams Belang (« Intérêt flamand »), qui milite notamment pour l’éclatement du pays.

Avec meldpuntillegaliteit.be (« point de signalement de l’illégalité »), site internet lancé le 10 avril, l’objectif affiché par la formation nationaliste flamande est d’inciter les Belges néerlandophones à dénoncer les immigrés en situation irrégulière, qui seraient responsables du « travail au noir, de la criminalité et des marchands de sommeil ». Au cours de sa première semaine d’existence, le site s’est souvent retrouvé hors service faute de pouvoir gérer l’afflux massif de messages dont l’ont bombardé ses adversaires, mobilisés par un appel lancé sur Facebook. Mais cela n’a pas empêché Filip Dewinter, leader du parti, de poursuivre sa campagne. « Les illégaux doivent être recherchés activement et ensuite renvoyés dans leur pays d’origine », a-t-il déclaré, annonçant que les témoignages recueillis seraient transmis à la police.

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Pour trouver l’inspiration, le Vlaams Belang n’a pas eu à chercher très loin. Le 8 février, son homologue néerlandais, le Parti pour la liberté (PVV, troisième formation des Pays-Bas et membre de la majorité parlementaire), a lancé un site similaire pour dénoncer les immigrés venus d’Europe de l’Est ou d’Europe centrale. « Avez-vous perdu votre emploi à cause d’un Polonais, d’un Bulgare, d’un Roumain ou autre ? Racontez-le-nous ! » y écrivaient les partisans de Geert Wilders. L’Union européenne avait alors vu rouge. « Les citoyens des vingt-sept États membres doivent se sentir chez eux, peu importe où ils décident de se rendre », avait réagi la commissaire chargée de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, Viviane Reding. L’initiative du Vlaams Belang ne ciblant les ressortissants d’aucun pays en particulier, la Commission s’est contentée cette fois du strict minimum, estimant que « ces sites ne correspondent pas aux valeurs [qu’elle] défend ».

Dérives xénophobes

Néanmoins, le portail a toutes les chances d’être déclaré hors la loi. « Si des données à caractère judiciaire sont récoltées de cette façon, il y a alors atteinte à la législation sur la protection de la vie privée », a estimé la Commission de la protection de la vie privée. « Les organisations de défense des droits de l’homme vont se réunir dès que possible pour voir quelles actions mener devant la justice », affirme pour sa part Paul Nsapu, secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

Quoi qu’il en soit, le Vlaams Belang, en perte de vitesse, a réussi un nouveau coup médiatique à quelques mois des élections communales, qui se tiendront en octobre. Le parti, qui compte désormais 16 parlementaires (sur un total de 221), a perdu plus du tiers de ses électeurs lors des législatives de 2010. Selon une étude de l’université KUL de Louvain publiée le 5 avril dernier, l’immense majorité d’entre eux se sont reportés sur la Nouvelle Alliance flamande (N-VA), parti à vocation gouvernementale qui revendique l’indépendance de la Flandre mais rejette les dérives xénophobes de l’extrême droite. « On peut donc être certain que le Vlaams Belang va aller encore plus loin sur le chemin de l’anti-immigration et de l’anti-islam, car c’est la seule chose qu’il peut faire pour se distinguer », estime un des auteurs de l’étude. 

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