Libye – France : Béchir Salah, l’étau se resserre

Traqué par Interpol, poursuivi par le Conseil national de transition (CNT) libyen, cité dans la polémique sur le financement de la campagne de l’ex-président français Nicolas Sarkozy, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi, Béchir Salah Béchir, est cerné de toutes parts.

Capture d’écran du site d’Interpol, le 29 avril 2012. © J.A.

Capture d’écran du site d’Interpol, le 29 avril 2012. © J.A.

Christophe Boisbouvier

Publié le 10 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Béchir Salah Béchir fait deux fois scandale. Il réside en France alors qu’il est visé par une notice d’Interpol. Il est aussi le destinataire supposé d’un ordre écrit selon lequel Kadhafi aurait offert, fin 2006, 50 millions d’euros au candidat Sarkozy – un document publié le 28 avril par le site d’information Mediapart. Par l’intermédiaire de son avocat, l’ex-dignitaire libyen affirme ne jamais avoir reçu une telle note et « émet les plus expresses réserves sur son authenticité ». Quant à Nicolas Sarkozy, il parle d’« infamie » et porte plainte contre Mediapart.

Sous Kadhafi, Béchir Salah était le trésorier du régime. Issu d’une tribu arabe de la région de Sebha, il avait été parrainé par le commandant Jalloud. Préfet de Mourzouk puis chef du protocole du « Guide », il était devenu son directeur de cabinet et le patron du Libya Africa Investment Portfolio (LAP), le fonds souverain libyen spécialisé sur l’Afrique au capital de 5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros). « C’était une sorte d’intendant général. Si Kadhafi disait "il faut donner 2 millions à Untel", c’est lui qui s’en occupait », a confié un diplomate au Canard enchaîné. Bref, c’était l’un des hommes les plus riches de Libye.

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Il y a également une énigme Béchir Salah. À la différence de Moussa Koussa, il n’a pas fait défection dès mars-avril 2011. Pourtant, lors de la chute de Tripoli, fin août dernier, il a eu droit à un traitement de faveur de la part du Conseil national de transition (CNT). Arrêté dans l’une de ses résidences de Tripoli par une brigade de Misrata, il a très vite été relâché, puis escorté jusqu’à la frontière tunisienne par des combattants de Zintan. Pourquoi tant d’égards ? « Sans doute parce qu’il menait double jeu entre le "Guide" et le CNT, explique un ancien haut fonctionnaire libyen. Sans doute aussi parce qu’il a pu payer des protections. »

Scandale

Fort de son trésor de guerre et de son carnet d’adresses long comme le bras – tous les chefs d’État africains, l’émir du Qatar, le ministre français de l’Intérieur Claude Guéant, etc. -, Béchir Salah s’est alors fait oublier. Pendant tout l’hiver 2011-2012, il a pu flâner sur les Champs-Élysées – où il a été aperçu plusieurs fois – ou rendre visite à sa famille à Bourg-en-Bresse, dans l’est de la France. Pour voyager plus facilement, le Libyen a même obtenu du Niger un passeport diplomatique. Les Nigériens ont-ils été sollicités par les Français ? Certainement. Le problème, c’est que la presse, dont Jeune Afrique, en a parlé. Face au scandale, le Libyen a dû renoncer à son précieux titre de voyage.

Aujourd’hui, Béchir Salah, 65 ans, se terre dans sa campagne française, à deux pas de la frontière suisse. Les soucis s’accumulent. Sa femme, Kafa Kachour, vient d’être condamnée par la justice française à deux ans de prison avec sursis et à 70 000 euros d’amende pour avoir réduit en esclavage ses quatre employés de maison tanzaniens. Lui-même est visé depuis mars par une notice rouge d’Interpol. Cette notice n’a pas valeur de mandat d’arrêt et n’oblige pas la France à l’interpeller. Mais le 2 mai, à Tripoli, le président du CNT a annoncé que la Libye demandait à la France l’extradition de Béchir Salah pour « fraudes financières et actes criminels ». Quand le Libyen s’était installé en France, « c’était avec le plein accord du président Abdeljalil », assure Nicolas Sarkozy. « Je n’ai joué aucun rôle dans la fuite de Béchir Salah », réplique pour sa part ce dernier. Le mystère persiste. (Lire aussi p. 14 notre article sur Chokri Ghanem.) 

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