Littérature : et il est comment le dernier Russell Banks ?

À 72 ans l’écrivain américain Russel Banks publie avec Lointain souvenir de la peau, un nouveau roman plein d’audace, dont le héros est un délinquant sexuel.

Lointain souvenir de la peau est le nouveau roman de Russell Banks. © Reuters

Lointain souvenir de la peau est le nouveau roman de Russell Banks. © Reuters

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 16 mai 2012 Lecture : 2 minutes.

Russell Banks est un écrivain de gauche. Il ne s’en cache pas et quand bien même voudrait-il le faire que son empathie pour les sans-grades et les laissés-pour-compte trahirait ses préférences. Issu d’un milieu extrêmement modeste, celui qui commença sa vie active comme plombier sait de quoi il parle et il sait aussi comment en parler.

Ce n’est pas évident : quand on est un auteur de 72 ans sanctifié par la critique, il n’est pas forcément simple de se glisser dans la peau d’un jeune délinquant sexuel affublé d’un bracelet électronique et vivant dans un abri de fortune sous un viaduc de Calusa… Que peut-il savoir, lui dont les romans sont régulièrement adaptés au cinéma (De beaux lendemains, American Darling…) et qui vit la moitié de l’année sous le soleil de Floride, du quotidien d’un pauvre type abreuvé de pornographie ? Sans doute guère plus que ce que lui permet son imagination – mais dans son cas, c’est énorme.

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Politiquement incorrect

Lointain souvenir de la peau, son dernier roman, n’est ni un livre facile à lire ni un pensum bien pensant. C’est une plongée politiquement incorrecte dans l’univers sordide d’un gosse qui, à l’adolescence, s’abandonna à l’ivresse du sexe virtuel tandis que, dans la pièce attenante, sa mère célibataire consommait bruyamment homme après homme… Dérive fatale qui entraîna le jeune paumé à revendre des cassettes de sa star du X préférée au sein de l’armée, puis à prendre rendez-vous par chat avec une mineure… Rendez-vous fatal, bien entendu, qui condamne un obsédé virtuel – il est vierge – à vivre, selon la loi américaine, à 800 mètres de tout bâtiment susceptible d’accueillir des enfants.

Sans s’embourber dans le misérabilisme, Russell Banks dessine là le visage grimaçant d’une société schizophrène, saturée d’images sexuelles et incapable de réagir autrement que par l’exclusion face aux troubles qu’elle provoque. Sans doute Russell Banks n’atteint-il pas avec ce roman la puissance narrative d’American Darling, mais peu importe : avec humanisme et respect, il donne la parole à un marginal qui, sans lui, n’aurait qu’un droit, celui de disparaître.

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Lointain souvenir de la peau, de Russell Banks, traduit de l’américain par Pierre Furlan, Actes Sud, 450 pages, 23,80 euros.

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