Jihadisme : les racines sociales de la radicalisation

Une enquête des Nations unies révèle que l’idéologie religieuse n’est pas le facteur principal de l’engagement dans les groupes terroristes, dont les attentats endeuillent régulièrement huit pays africains.

© Damien Glez

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Publié le 10 février 2023 Lecture : 2 minutes.

Certains les appellent « terroristes » ou « jihadistes ». Les commentateurs prudents évoquent des « Hani » (hommes armés non identifiés). Les journalistes les moins précautionneux tombent dans le piège de la traduction littérale du qualificatif anglophone « Islamist rebels ». Pour le chef de la junte burkinabè, Ibrahim Traoré, il ne s’agit que de « petits bandits » qui viennent « emmerder » les populations. Les auteurs des attentats qui endeuillent régulièrement le Sahel sont difficiles à cerner, puisqu’ils n’accordent pas d’interviews aux agences de presse et ne font que des selfies outranciers et obscurs…

Que les storytellers de ces groupes criminels brandissent une bannière « islamiste » du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), d’Ansar Dine, d’Al-Mourabitoune, d’Ansarul Islam, de Boko Haram, des Chabab, du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ou encore de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), leurs « petites mains » n’ont pas toujours de grandes ambitions spirituelles. Selon une enquête révélée, ce 7 février, par les Nations unies, la religion n’est pas le premier facteur d’engagement dans ce qu’il est convenu d’appeler l’extrémisme violent d’Afrique subsaharienne.

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Prétexte et paravent ?

Dans ce rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), la foi n’est plus citée que par 17 % des 2 200 hommes et femmes – dont près de 1 200 anciennes recrues – interrogées dans huit pays (Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Mali, Niger, Nigeria, Somalie et Soudan). En 2017, ce sont 40 % de l’échantillon qui citaient la religion comme facteur clé. L’appel à la guerre sainte ne serait-il qu’un prétexte ? La foi un paravent pour habiller d’autres desseins ?

Dans les zones que les États n’arrivent plus à contrôler, l’enrôlement apparaît comme une opportunité de revenus sans alternative

Les ressorts principaux de l’engagement dans l’extrémisme violent seraient le ressentiment contre le mépris voire les violations des droits humains commises par des acteurs étatiques (pour près des trois quarts de l’échantillon), le manque d’opportunités d’emploi (pour un quart des recrues volontaires) ou encore la volonté de suivre de la famille ou des amis (pour un peu moins d’un quart). Dans les zones que les États n’arrivent plus à contrôler, l’enrôlement apparaît comme une « opportunité » de revenus sans alternative.

Le rapport du Pnud affirme que les attaques menées en Afrique subsaharienne ont plus que doublé depuis 2016. Il dénombre 4 155 attaques et 18 400 morts. Une tendance inverse de l’évolution mondiale : à l’échelle de la planète, les décès dus au terrorisme ont diminué au cours des cinq dernières années. Et le Pnud de surligner le fait que la mutation de l’Afrique subsaharienne en « nouvel épicentre mondial de l’extrémisme violent » suscite relativement peu d’attention de la part d’une communauté internationale concentrée sur les changements climatiques, la pandémie de Covid-19 ou la guerre en Ukraine.

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