France – Présidentielle 2012 : l’Afrique coeur à gauche, portefeuille à droite ?
Une victoire du candidat socialiste François Hollande, le 6 mai, ne plongerait pas dans le désespoir nombre de chefs d’État du continent. Même s’ils en redoutent parfois les conséquences économiques.
Un ancien ministre burkinabè par-ci, un ex-ambassadeur du Tchad par-là… Depuis quelques jours, de discrets émissaires sont à Paris pour approcher le premier cercle de François Hollande, le vainqueur du premier tour de la présidentielle française. Bien sûr, les contacts ne datent pas d’aujourd’hui. Laurent Fabius – futur ministre des Affaires étrangères ? – a fait le voyage de Lomé, Cotonou et Libreville. Mais, depuis le 22 avril, les rendez-vous se multiplient et quelques « Robert Bourgi de gauche » – francs-maçons pour la plupart – commencent à se manifester dans les palais africains sur le thème : « Monsieur le président, je connais bien François Hollande. Si vous le souhaitez, je peux faire passer un message… »
Il faut dire que, pour nombre de chefs d’État africains, le candidat socialiste est un mystère. Parfois, une source d’inquiétude. « Hollande, ça ne rassure pas ceux qui se souviennent que Lionel Jospin n’a rien fait pour sauver Henri Konan Bédié lors du coup d’État de 1999 », confie le conseiller de l’un d’eux. En clair, si l’ex-bras droit de Jospin l’emporte le 6 mai, plusieurs présidents africains redoutent que la France ne réponde plus présent en cas de tentative de putsch contre leur personne.
L’aéroport de N’Djamena sera-t-il encore sécurisé, comme il le fut en février 2008, lors de la bataille entre Idriss Déby Itno et les rebelles venus de la frontière soudanaise ? La base française de Libreville servira-t-elle encore de plateforme à des opérations de maintien de l’ordre, comme au temps d’Omar Bongo Ondimba ? « Si Hollande passe, on espère que les Français ne bougeront plus de leur base », lâche a contrario un opposant gabonais.
Affaire des biens mal acquis
Autre souci : en cas de victoire socialiste, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Gabonais Ali Bongo Ondimba et l‘Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema se doutent que l’Élysée ne fera rien pour freiner l’ardeur des juges français qui enquêtent sur les biens mal acquis. L’un des conseillers Afrique de Hollande n’est autre que Me William Bourdon, le fondateur de Sherpa, l’ONG qui est à l’origine des poursuites…
Plus généralement, les chefs d’État en délicatesse avec la démocratie et l’alternance savent qu’ils n’ont rien à attendre d’un Hollande qui clame haut et fort son intention de « défendre l’idée que la démocratie vaut partout dans le monde, et notamment en Afrique », et qui compte parmi ses conseillers l’opposant togolais Kofi Yamgnane. Naturellement, beaucoup espèrent qu’une fois arrivés au pouvoir les socialistes mettront de l’eau dans leur vin, comme Mitterrand en son temps. Mais rien n’est moins sûr.
« Certains dirigeants ont essayé de faire passer des mallettes, mais le staff de Hollande les a refusées. Cela ne rassure pas », confie un ex-ministre d’Afrique centrale. Du coup, beaucoup croisent les doigts en espérant que l’ami Sarkozy rebondira avant le 6 mai et gagnera au finish.
Dans les pays où l’alternance fonctionne, comme au Sénégal, l’éventuelle défaite de Sarkozy ne pose pas le même problème. Le 18 avril, quatre jours avant le premier tour, Macky Sall a certes déjeuné à l’Élysée avec le président sortant, mais, en conférence de presse, il a pris soin de garder ses distances avec son hôte. Quand celui-ci l’a tutoyé, il lui a répondu en le vouvoyant. La veille, depuis Dakar, il s’était entretenu au téléphone avec Hollande, lui confiant sur un ton amical : « Je ne voulais pas venir à Paris sans avoir un contact avec vous… »
L’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire, cas particuliers
Comme Macky Sall, le Guinéen Alpha Condé et le Nigérien Mahamadou Issoufou s’accommoderaient aisément de l’arrivée de Hollande à l’Élysée. Militants socialistes de toujours, ils « votent » même a priori pour lui – le second l’a même rencontré le 15 mars, à Paris. Mais Alpha Condé a offert la concession du port de Conakry à Bolloré, un proche de Sarkozy. Et Issoufou confie à voix basse que la gauche française, alliée aux écologistes, risque de lui acheter moins d’uranium que la droite. Bref, chez plusieurs leaders ouest-africains, le coeur vote Hollande, mais le portefeuille, Sarkozy.
Deux cas particuliers : l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire. Depuis la chute de Kadhafi, en août 2011, Jacob Zuma et le Congrès national africain (ANC) rangent Sarkozy dans le camp des néocolonialistes. De leur point de vue, Hollande ne peut pas être pire. À l’inverse, Alassane Ouattara « vote » Sarkozy sans hésiter. Dans la relation entre les deux hommes, la politique et les sentiments sont intimement liés. Mais comme il ne faut pas insulter l’avenir, le président ivoirien est aussi en contact avec Hollande, via Laurent Fabius et Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Le 10 avril, il a reçu à Abidjan un autre socialiste, Jean-Louis Bianco.
Et les Maghrébins ? Au FLN, on apprécie le tropisme algérien de Hollande, qui, en 1978, effectua un stage de huit mois à Alger dans le cadre de ses études à l’ENA. Il y a un mois, l’ambassadeur d’Algérie à Paris a discrètement rencontré Kader Arif, le conseiller du candidat socialiste pour la coopération, lui-même natif d’Algérie. Quelques jours auparavant, l’ambassadeur du Maroc s’était entretenu avec Pierre Moscovici, le directeur de campagne de Hollande, afin de préparer une visite à Rabat de Martine Aubry. « Sur le Sahara, nous soutenons le plan d’autonomie du Maroc », a déclaré la première secrétaire du PS. Du coup, elle a été reçue au palais royal.
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