Présidentielle égyptienne : le bal des prétendants

Sur les treize candidats autorisés par la Haute Commission électorale à se présenter à la présidentielle égyptienne des 23 et 24 mai, quatre se détachent.

Les murs du Caire sont couverts par les affiches des candidats à la présidentielle. © Gianluigi Guercia/AFP

Les murs du Caire sont couverts par les affiches des candidats à la présidentielle. © Gianluigi Guercia/AFP

Publié le 10 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Les partisans de Hazem Abou Ismaïl sont de retour sur la place Al-Tahrir. Ils y ont organisé un sit-in après le rejet, le 17 avril, par la Haute Commission électorale de la candidature du prédicateur salafiste à l’élection présidentielle égyptienne, dont le premier tour aura lieu les 23 et 24 mai, au motif que sa défunte mère avait la nationalité américaine. Sur les vingt-trois candidats, dix ont été mis hors jeu. Parmi eux figurent trois prétendants d’envergure : Khairat al-Chater, numéro deux des Frères musulmans, qui n’aurait pas été réhabilité d’une condamnation en 2007 ; Ayman Nour, gracié par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) pour une condamnation datant de 2005, mais qui n’a pas obtenu de réhabilitation judiciaire ; et Omar Souleimane, ancien chef des renseignements, à qui il manquait 31 signatures sur les 30 000 requises pour valider sa candidature.

« Souleimane était le candidat de l’armée et de l’appareil de sécurité, explique Ashraf al-Cherif, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. Vu son ancien poste, ce n’est pas quelqu’un qui agit sans prendre en compte ces institutions. » De nombreux observateurs estiment que sa candidature a été déposée pour permettre son élimination avec les islamistes, dont les militaires ne voulaient pas. « A-t-on fait entrer en lice le général Souleimane pour l’éjecter quelques jours plus tard avec deux des plus importants candidats islamistes ? A-t-on gracié et induit en erreur Ayman Nour pour le disqualifier et donner l’impression à l’opinion publique que tout le monde est logé à la même enseigne ? » demande Rawi Camel-Toueg, secrétaire général du Parti des Égyptiens libres.

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Le rôle ambigu des militaires

Ces questions en soulèvent une autre : la Haute Commission est-elle réellement indépendante du CSFA ? « Difficile de ne pas donner à ces décisions un caractère politique. La Haute Commission n’a aucune crédibilité auprès de l’opinion publique », confie le juriste Salah Sadek, lequel rappelle que son président, Farouk Sultan, « est un militaire nommé par Moubarak à la présidence de la Cour suprême constitutionnelle et qu’il a toujours supervisé la falsification des élections au sein du syndicat des avocats ».

Le rôle de l’armée est très ambigu. Au Caire, le sentiment général est que les militaires ne vont pas lâcher prise facilement. « Ils voudront d’abord s’assurer que la nouvelle Constitution ne les menace pas. Ils attendent un article qui protège l’institution militaire et ne soumet pas son budget à un contrôle extérieur », explique Rawi Camel-Toueg, qui estime cependant que le Parlement n’est pas disposé à se laisser faire.

Sur les treize candidats toujours en course, quatre se détachent : Amr Moussa, ancien secrétaire général de la Ligue arabe, qui a les faveurs du courant libéral et dont la réticence à critiquer le CSFA laisse à penser qu’il serait disposé à composer avec les militaires ; Mohamed Morsi, président du Parti de la liberté et de la justice (PLJ) et candidat des Frères musulmans ; Abdel Moneim Aboul Foutouh, ancien Frère musulman, connu pour ses prises de position modérées ; et Ahmed Shafiq, dernier Premier ministre de Moubarak et candidat de l’armée.

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La course se resserre

Pour le moment, il est difficile de désigner un favori. Un sondage réalisé en mars par le centre de recherche Al-Ahram créditait Amr Moussa de 30,7 % des intentions de vote. Un autre sondage conduit en avril par le quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm en accordait 15 % à Abdel Moneim Aboul Foutouh, devant Amr Moussa, tombé à 12 %. « Aboul Foutouh est populaire dans les classes moyennes et chez les révolutionnaires, et les salafistes pourraient voter pour lui maintenant qu’Abou Ismaïl est hors jeu », estime Ashraf al-Cherif.

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Mais il faudra aussi compter avec les Frères musulmans, qui ont finalement décidé de présenter un candidat – Mohamed Morsi -, après avoir répété qu’ils n’en feraient rien. « Si les Frères se présentent, aucun autre candidat n’a de chances de gagner, nous confiait, au début d’avril, Raafat Fouda, professeur de droit constitutionnel à l’université du Caire. Ils savent mobiliser leurs électeurs et leurs sympathisants. »

Pourtant, le capital de sympathie de la confrérie a été sérieusement entamé. Elle n’est plus aussi populaire. « Mohamed Morsi est le candidat le plus fragile, explique Ashraf al-Cherif. La confrérie n’a pas réussi à prendre la tête du courant islamiste. Elle est en position de faiblesse pour négocier avec le Conseil suprême. »

Sur la place Al-Tahrir, où l’on continue de parler politique lors de rassemblements spontanés, une expression revient comme un leitmotiv : « Que Dieu désigne le plus compétent. »

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Tony Gamal Gabriel, au Caire

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