Ensemble, abolissons la peine de mort en Afrique

Souhayr Belhassen est présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH)

Publié le 4 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

À Dakar, on rit et on chante avec soulagement une démocratie un temps menacée. À Bamako, on se réjouit du retour à l’ordre constitutionnel, mais l’on s’inquiète des violences commises dans le nord du pays. C’est dans ce contexte régional particulier que s’est ouverte, le 18 avril, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), à Banjul, en Gambie, et qu’a été présenté le rapport de son groupe de travail sur la peine de mort en Afrique. Ce texte, d’une importance considérable pour l’affirmation et la pérennisation de l’État de droit, recommande l’abolition définitive de la peine de mort sur le continent en promouvant l’adoption par les États membres de l’Union africaine d’un protocole à la Charte africaine des droits de l’homme.

Nombreux sont les intellectuels et les personnalités qui ont déjà pris parti contre cette aberration juridique. « Un État qui représente la société tout entière et qui a la responsabilité de sa protection peut-il assumer cette responsabilité en se rabaissant au niveau d’un meurtrier ? » s’interrogeait ainsi le Ghanéen Kofi Annan alors même qu’il occupait le poste de secrétaire général des Nations unies.

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L’abolition, une utopie sur le continent ? Si l’on prend le cas du Zimbabwe, qui, en 2010, a refusé de signer le moratoire des Nations unies sur les exécutions et qui fait partie des États les plus réfractaires dans ce domaine, la question se pose en effet. Mais il ne s’agit là que d’une position devenue désormais minoritaire sur le continent : l’abolition est un combat universel dans lequel s’est déjà engagée avec détermination une grande majorité d’États dans le monde (141 pays sont abolitionnistes, dont 97 pour tous les crimes). Les pays africains ont, depuis longtemps, pris une place non négligeable dans ce mouvement. Seize d’entre eux ont déjà été au bout de la démarche en abolissant définitivement la peine de mort dans leur législation nationale, et, malgré les difficultés juridiques et politiques, ces cinq dernières années ont vu le Rwanda, le Gabon et le Burundi s’engager dans ce cercle vertueux. En outre, 18 autres États, s’ils n’ont pas encore supprimé la peine capitale de leur code pénal, n’en sont pas moins abolitionnistes de fait, aucune exécution n’ayant été constatée ces dix dernières années. Le 14 janvier dernier, le président tunisien, Moncef Marzouki, a annoncé un moratoire sur toutes les exécutions et commué toutes les peines capitales en peines de prison à perpétuité.

La CADHP a élaboré ce rapport pour encourager les États du continent à franchir cette étape nécessaire et pérenniser ainsi cette abolition. L’objectif, à travers l’adoption de ce nouveau protocole, est bien entendu de renforcer encore le système africain de protection des droits de l’homme. Il s’agit aussi et surtout d’inviter la vingtaine d’États qui pratiquent encore cette peine inhumaine à engager un débat national sur cette question. Renoncer à la peine capitale est bien souvent une décision courageuse qui honore les autorités qui la prennent, particulièrement dans les pays où l’on assiste à une montée du religieux et là où subsistent les stigmates de longs conflits.

Si elle se cristallise dans les Parlements, l’abolition peut aussi commencer dans les prétoires. Dans certains pays non abolitionnistes, comme en Ouganda ou au Malawi, des décisions de justice ont récemment permis de développer une jurisprudence en faveur du respect du droit à la vie, prémices judiciaires à une prise de position politique en faveur de l’abolition. L’inverse est malheureusement également exact, et des décisions sont encore prises qui vont à rebours de ce mouvement de fond. Elles suivent encore la logique détestable de la vindicte populaire et n’ont jamais réglé en quoi que ce soit les questions de fond (criminalité, terrorisme, trafic de drogue, etc.). Pis, dans les pays où l’indépendance de la justice n’est pas ou peu garantie, elles ont souvent été prises au risque de condamner à mort des innocents. Car tous les abolitionnistes le rappellent, la vie n’est jamais à l’abri d’une erreur judiciaire. 

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