Maroc : surchauffe cathodique
La réforme de l’audiovisuel décidée par le gouvernement marocain à majorité islamiste suscite la controverse. Y compris dans ses propres rangs.
La deuxième chaîne de télévision marocaine, 2M, se fait rappeler à l’ordre. La feuille de route, dirigée par le ministre (PJD) de la Communication, Mustapha El Khalfi, et dévoilée le 31 mars, devait entrer en application le 1er mai. Approuvé par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca), ce document suscite une vive polémique. Et pour cause, il prévoit de nouvelles obligations, dont la diffusion de l’appel aux cinq prières quotidiennes, la retransmission en direct de la prière du vendredi et la réduction des émissions en langues étrangères – dont le français – à 25 % du temps d’antenne. La nouvelle « grille de référence » des programmes contraint la chaîne à décaler le journal télévisé francophone de 20 h 45, créneau désormais réservé au JT arabophone. De plus, l’interdiction de la publicité pour les jeux de hasard la prive d’importants revenus.
Non seulement le jeune ministre de la Communication (39 ans) s’est attiré les foudres des dirigeants de 2M, mais sa réforme a provoqué une levée de boucliers jusqu’au sein du gouvernement de coalition. « El Khalfi est ministre de la Communication, et non un mufti ou un fqih [théologien, NDLR] qui interdit et autorise », s’est insurgé Mohamed Ouzzine, ministre des Sports et, à ce titre, président du conseil d’administration de la Marocaine des jeux.
Un nouveau cahier des charges ?
Côté gouvernement, on nie toute arabisation et l’on justifie la nécessité d’un « réajustement » par la concurrence des chaînes satellitaires, comme Al-Jazira. Cela n’a pas convaincu les responsables du pôle public et de 2M. Ils accusent El Khalfi d’avoir imposé un cahier des charges « dirigiste, sans consulter les professionnels », selon les termes de Salim Cheikh, le directeur de la chaîne. Un conseil d’administration de 2M s’est tenu le 24 avril. L’État, qui en est l’actionnaire majoritaire (72 %), a décidé de recapitaliser la chaîne, et le holding royal SNI (20 %) envisage également de mettre la main à la poche. Le week-end précédent, le roi Mohammed VI avait réuni Abdelilah Benkirane, le chef du gouvernement, Abdellah Baha, son numéro deux, et El Khalfi pour circonscrire la crise. Depuis, Benkirane a laissé entendre que le nouveau cahier des charges pourrait être revu, confiant que cette feuille de route n’était pas « le Coran révélé ».
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