Guinée équatoriale – France : la colère de Teodoro Obiang Nguema
La Guinée équatoriale ne digère pas l’affaire des « biens mal acquis ». Et menace Paris de représailles diplomatiques et commerciales.
Teodoro Obiang Nguema aurait-il plusieurs visages ? Au moins trois dans l’affaire des « biens mal acquis », qui a vu le parquet de Paris autoriser l’émission, le 4 avril, d’un mandat d’arrêt à l’encontre de son fils, Teodorín. Il y a d’abord celui qu’il montre à Mongomo, son village natal. Le président équato-guinéen y a exprimé sa colère, en langue fang, contre une « décision injuste », motivée par « la jalousie ». Comme il l’a expliqué sur France 24, son fils travaille et possède plusieurs sociétés d’où il tirerait ses revenus.
Il y a ensuite le visage qu’il présente à la France, à qui il a demandé de ralentir le travail de la justice, avant de publier des communiqués évoquant une possible rupture des relations diplomatiques et des représailles contre les entreprises françaises. Le 19 avril, dans un discours fleuve prononcé en ouverture du congrès du Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), à Bata, le chef de l’État est allé jusqu’à accuser l’Europe de vouloir recoloniser l’Afrique. Enfin, il y a le discours rassurant qu’il tient à ses partenaires économiques. « Vous êtes en sécurité », répète-t-il aux patrons français. El Presidente a fait passer des consignes pour que ses compatriotes ne s’en prennent ni aux ressortissants de l’Hexagone ni à leurs sociétés. Il arrive que quelques fonctionnaires zélés compliquent leurs démarches administratives, mais rien de vraiment alarmant. Une seule manifestation, très encadrée, a vu 2 000 personnes se rendre devant l’ambassade de France pour demander des explications.
Admirateur de Mitterrand
En réalité, Obiang Nguema ne veut nullement hypothéquer ce qu’il a patiemment construit. Cet admirateur de François Mitterrand au pouvoir depuis 1979 a sorti son pays – le seul État hispanophone d’Afrique – de l’isolement. En 1983, il l’a fait adhérer à l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale (Udeac, ancêtre de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, la Cemac) et, en 1998, a fait du français la deuxième langue officielle. grands groupes. Les entreprises hexagonales se sont installées dans le pays dès le milieu des années 1990. Une vingtaine de filiales de grands groupes y sont aujourd’hui présentes. Dans la construction, Bouygues, Sogea-Satom et Razel se partagent des contrats annuels d’environ 500 millions d’euros. « Nos contrats ne sont pas touchés, affirme l’un de leurs responsables. Au contraire, le chef de l’État nous redonne parfois les travaux des sociétés chinoises quand l’exécution ne lui convient pas. »
De nombreux sous-traitants, comme Egis International, un bureau d’études chargé du plan d’urbanisation de la nouvelle ville d’Oyala, surfent sur la vague des grands chantiers. Air France dessert tous les jours la Guinée équatoriale, où vivent 700 Français. Accor a construit deux Sofitel et deux Ibis. On y trouve aussi le groupe Castel (vins, liqueurs et bières), des loueurs de véhicules (CFAO et Europcar) ou l’entreprise de service pétrolier Schlumberger. Dans la distribution d’hydrocarbures, Total est le numéro un. Et la SGBGE, filiale de la Société générale, est la deuxième banque du pays. Malabo a exporté pour 600 millions de dollars vers la France en 2011, essentiellement des produits pétroliers, et importé pour 270 millions de dollars. « Le climat actuel est peu propice à la signature de grands contrats », confie toutefois un diplomate.
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