Égypte : Adel Imam, victime de l’Inquisition
L’acteur égyptien Adel Imam a été condamné à trois mois de prison. Sa faute ? Il aurait ridiculisé l’islam dans des films tournés… dans les années 1990.
Un sourire à la Henri Salvador, des mimiques dignes de Louis de Funès, le tragicomique d’un Charlot. Adel Imam est l’étoile incontestée de la comédie arabe. En cent films et dix pièces de théâtre, l’Égyptien a fait rire à gorge déployée bien au-delà de son pays. Il a singé le dictateur et le migrant, moqué les fonctionnaires corrompus et les maris cocus. Certains cornards ont ri jaune, des autocrates ont ri de bon coeur, et inversement. Les rigoristes religieux, eux, n’ont pas ri du tout.
À la suite d’une plainte déposée par Arsan Mansour, avocat lié aux islamistes, pour outrage à l’islam, Adel Imam a été condamné le 2 février à trois mois de prison par un tribunal du Caire, peine confirmée le 24 avril. Le pieux juriste l’accusait notamment d’avoir ridiculisé la barbe et le jilbab, longue robe qui descend jusqu’aux pieds. En liberté sous caution, l’acteur a annoncé qu’il ferait appel. « La loi n’autorise en aucune manière de traîner en justice un individu parce qu’il a dit des choses dans le contexte fictif d’un film », a déclaré son avocat au quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm.
Le rire est en berne
Pour les tartuffes, le blasphème doit être imprescriptible : les films les plus dénoncés, Terrorisme et Kebab, Le Terroriste et Les Oiseaux de l’ombre, remontent à 1992, 1994 et 1995. Ils avaient à l’époque passé la censure vigilante du régime Moubarak, mais la révolution de 2011 a donné la liberté aux opprimés d’hier d’ériger leurs propres barrières. Le rire, qui a aidé les manifestants arabes à triompher de la peur et de la dictature, est en berne.
En Tunisie, Nabil Karoui, le patron de Nessma TV, est poursuivi depuis octobre parce qu’une scène de Persepolis, film d’animation qu’il a diffusé, fait apparaître une représentation de Dieu. Toujours en Tunisie, pour avoir professé leur athéisme, les rappeurs Jabeur Mejri et Ghazi Béji ont été condamnés à sept ans de prison le 5 avril. Les révolutions arabes tourneraient-elles à l’iranienne ?
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