Soudans : Salva Kiir, stratège sur le fil du rasoir
En visite en Chine, le président du Soudan du Sud Salva Kiir a rappelé à Pékin combien l’entente entre Khartoum et Djouba était nécessaire à la République populaire. Mais celle-ci est-elle réellement prête à s’investir ?
Quel président oserait quitter son pays alors que les Antonov d’un État voisin bombardent son territoire ? Salva Kiir Mayardit l’a fait, le 23 avril, pour une visite en Chine censée durer cinq jours. Folie ? Inconscience ? Certainement pas. Âgé de 60 ans, vétéran de la première guerre civile du Soudan, stratège militaire réputé pour son honnêteté et sa droiture, ancien chef d’état-major de l’Armée de libération des peuples du Soudan (SPLA), le président du plus jeune État africain a beau avoir été catapulté à ce poste un peu malgré lui à la suite de l’accident qui coûta la vie à John Garang en 2005, il sait ce qu’il fait.
Alors que Khartoum demeure diplomatiquement très isolé sur la scène internationale – le président Omar el-Béchir est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour génocide au Darfour -, la République populaire de Chine reste son principal allié et partenaire commercial. En rencontrant le président Hu Jintao, Salva Kiir a rappelé de façon fort opportune que si les infrastructures pétrolières financées par la Chine se trouvent principalement au Soudan, le brut, lui, provient à 75 % du sous-sol sud-soudanais.
Ingérence
Traditionnellement rétive à toute ingérence en matière de politique étrangère, la République populaire se retrouve ainsi forcée de jouer les arbitres. Bien entendu, la rhétorique guerrière est toujours à l’ordre du jour. Si un diplomate en poste à Djouba voit en Salva Kiir « un véritable démocrate », il n’a échappé à personne que le discours de cet homme habituellement taiseux s’était considérablement durci, ces dernières semaines, alors que les deux Soudans s’affrontaient de part et d’autre de la frontière. Sous l’inamovible chapeau de feutre et le costume civil, Kiir reste un militaire, quoique poli par des années de pratique diplomatique et rompu aux négociations. À Hu Jintao, qui le recevait, il a déclaré que sa visite intervenait « à un moment critique pour la République du Soudan du Sud parce que [son] voisin de Khartoum a déclaré la guerre ». Une réponse à l’intention affichée par Omar el-Béchir « d’écraser les insectes » au pouvoir de l’autre côté de la frontière.
Alors que Khartoum et Djouba fournissent à Pékin environ 5 % de ses importations de pétrole, la Chine a tout intérêt à voir les deux ennemis s’entendre. Salva Kiir ne l’ignore pas et, sur place, il a obtenu plusieurs déclarations en faveur d’une solution négociée. « Le plus urgent est de prendre part activement aux efforts de médiation de la communauté internationale pour que cesse le conflit armé dans les zones frontalières », a affirmé Hu Jintao. Le porte-parole de la diplomatie chinoise, Liu Weimin, a pour sa part soutenu que « le pétrole est sur le plan économique la bouée de sauvetage commune du Soudan et du Soudan du Sud ».
Équilibriste
Ardent défenseur de l’indépendance de son pays, sans doute l’élégant Salva Kiir espérait-il un engagement plus ferme sur la construction d’un pipeline entre Djouba et Lamu (Kenya), qui permettrait au jeune État de s’affranchir des taxes exorbitantes exigées par Khartoum pour transporter le pétrole sud-soudanais jusqu’à la mer Rouge. Il a dû se contenter de l’annonce d’une tournée de « promotion des pourparlers de paix » du représentant spécial pour les affaires africaines, Zhong Jianhua, dans les deux nations. Rentré au pays plus tôt que prévu alors que les tensions restent vives le long de la frontière, Salva Kiir va devoir poursuivre son numéro d’équilibriste pour préserver une paix bien fragile.
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