Le glaive et la balance
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 30 avril 2012 Lecture : 2 minutes.
L’ancien président libérien Charles Taylor est devenu, ce 26 avril, le premier (ancien) chef d’État condamné par la justice internationale. Compte tenu de son curriculum vitæ, ce verdict était attendu : personne ne songe à plaindre le satrape sanguinaire de Monrovia. Mais déjà, les accusations d’une justice à deux vitesses, à la solde des Blancs, font florès en Afrique.
Les principes de base, notamment l’égalité de tous les justiciables, seraient bafoués ; les cibles de la justice internationale sont quasi exclusivement africaines ; les accusés déférés devant ses tribunaux seraient condamnés d’avance… Le premier détenu et le premier condamné par la Cour pénale internationale (CPI) ? Le chef de milice congolais Thomas Lubanga. Le premier « gros poisson » ? Encore un Congolais, l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba. Les autres chefs d’État dans le collimateur ? Le Soudanais Omar el-Béchir et l’Ivoirien Laurent Gbagbo. Sans parler de l’Ougandais Joseph Kony, des Congolais (décidément) Bosco Ntaganda, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, du Rwandais Callixte Mbarushimana, du vice-Premier ministre kényan Uhuru Kenyatta… Hors d’Afrique, seuls les criminels de guerre (ou contre l’humanité) ex-yougoslaves ont eu à subir les foudres de la justice mondiale. Comme si la Palestine, l’Irak, l’Afghanistan, la Tchétchénie, la Colombie ou la Birmanie, entre autres, n’avaient jamais été les théâtres de crimes imprescriptibles. Et comme si leurs auteurs supposés, n’étant pas Africains, n’avaient aucuns comptes à rendre.
Un sentiment de malaise exacerbé par les images de ces (ex-) personnalités africaines conduites menottes aux poignets par des gardiens en majorité blancs devant une juridiction dont le siège est en Europe et où ils sont interrogés par des juges dont la plupart sont, eux aussi, blancs. Dix ans après sa mise en place, le recours à la CPI fait donc toujours débat. Elle n’est encore qu’une institution balbutiante, qui ne peut intervenir qu’à la demande d’un État ou, à défaut, du Conseil de sécurité des Nations unies. Ses procédures sont lentes, et donc coûteuses. Plusieurs États importants – États-Unis, Chine, Russie et Israël en tête – refusent en outre de s’y associer. Ce n’est que lorsque ces pays « intouchables » y seront contraints, sous la pression, pourquoi pas, de leurs opinions publiques, qu’il sera possible de parler de justice universelle. Dans le cas contraire, un voile de suspicion continuera de nimber chacune de ses décisions.
La CPI a été créée, et c’est une véritable révolution, pour mettre fin à l’impunité de dirigeants qui pensaient jusqu’ici pouvoir tout se permettre. Le vieux mantra « des solutions africaines aux problèmes africains » ne produisant pas toujours les effets escomptés – n’est-ce pas, Hissène Habré et Mengistu Hailé Mariam ? -, elle demeure indispensable, car il est dans notre intérêt à tous de voir nos tyrans, actuels ou futurs, tenus en respect par la peur d’une justice indépendante. Celle-ci a certes beaucoup de lacunes. Mais, à ce jour, les hommes n’ont pas encore trouvé mieux…
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