Mauritanie : adieu, Mariem Daddah

Veuve du premier président mauritanien, Moktar Ould Daddah, décédé en 2003, Mariem Daddah s’est éteinte ce 12 février à Nouakchott. Le pays pleure cette Française d’origine, qu’on appelait encore affectueusement « Madame la présidente ».

Mariem Daddah, à Nouakchott, en novembre 2013. © Laurent Prieur

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Publié le 15 février 2023 Lecture : 3 minutes.

Des racines rabougries, des acacias tremblant sous un vent léger… Plus loin, une sorte de grand hangar, puis des tentes blanches, beaucoup de tentes, de rares maisons, modestes, dont on distingue difficilement la forme à travers le hublot, et, tout autour, des dunes, une immensité blanche infinie, du sable, rien que du sable.
Marie-Thérèse Gadroy s’imagine dans un paysage directement sorti de l’imagination de Jules Verne : « Nous devons être aux alentours de la capitale, certainement », dit-elle. « Non, lui répond Moktar Ould Daddah, son jeune mari, Premier ministre d’un État balbutiant. Non, c’est notre future capitale, Nouakchott. »

Tiers-mondiste dans l’âme

La jeune Française n’est pas au bout de ses surprises : la toute petite maison blanche où ils descendent, leur « palais », côtoyant quelques habitations de dignitaires semblables les unes aux autres, la 2CV ronronnante, souvent ensablée, de son époux, pourtant première personnalité du pays, le menu on ne peut plus frugal… Mais il y a pire : ces hommes du désert, frustes, portant souvent des boubous malpropres et parlant à son mari d’égal à égal tout en la regardant de haut, ces femmes emmitouflées dans d’épaisses melhfa et qui la scrutent, étonnées, comme si c’était elle la curiosité, cette société qui ignore l’idée même d’égalité et où des suffisances enturbannées détiennent encore la réalité du pouvoir, malgré soixante années d’un colonialisme français décidément plus soucieux de stabilité que de respect des principes républicains… Pétrie des idéaux de progrès, militante d’un catholicisme de gauche, tiers-mondiste dans l’âme, Marie-Thérèse Gadroy mesure alors l’immensité de la tâche qui attend son mari. Et décide de l’épauler de toutes ses forces.

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Elle parcourra ce pays immense avec lui, ville par ville, village par village, douar par douar. Elle parlera aux gens, aux femmes surtout. Elle les comprendra, et, petit à petit, Marie-Thérèse Gadroy deviendra Mariem Daddah. Elle ne se fera pas que des amis. Les émirs, les chefs de tribus, les milieux religieux les plus rétrogrades verront toujours d’un mauvais œil toute ses actions. Elle ne cessera de plaider pour une plus grande indépendance de la Mauritanie vis-à-vis de son pays natal, la France. Elle encouragera la mise en œuvre de « réformes révolutionnaires » en faveur de l’égalité hommes-femmes.

Bien qu’il partage ces idées, Moktar Ould Daddah se verra contraint de tempérer l’enthousiasme de son épouse par égard pour les forces traditionnelles et, aussi, pour préserver la stabilité nécessaire à la construction d’un État. Dans la Françafrique, Mariem Daddah ne se fera pas beaucoup d’amis. D’ailleurs, Jacques Foccart, son grand gourou, ne manquera pas d’égratigner la première dame dans ses Mémoires.

Raviver la mémoire

Tout au long de ces années, Mariem Daddah ne cessera de s’intéresser à la vie du pays, d’encourager les initiatives féminines, de nouer le dialogue avec une jeunesse de plus en plus révoltée. Ce n’est que dans les années 1970, quand Moktar Ould Daddah sentira son pouvoir affermi, qu’il prendra de grandes mesures : révision des accords avec la France, dialogue avec les jeunes contestataires, nationalisation de la principale mine du pays, la Miferma, rapprochement avec les pays socialistes… Mais la guerre du Sahara, qu’il n’a su éviter, combinée à la sécheresse, mènera le pays à une quasi banqueroute et fera le lit des militaires. Ils s’emparent du pouvoir le 10 juillet 1978. Mariem Daddah accompagne alors son mari en exil mais ne cessera de se battre pour ce qu’elle considère être l’héritage de Ould Daddah et pour une meilleure gouvernance.

Mariem Daddah s’installera par la suite à Nouakchott, retrouvera la villa familiale et créera la Fondation Moktar-Ould-Daddah pour raviver la mémoire du premier président de la Mauritanie indépendante. Ses enfants, Mohameden, Azzedine et Faïza, ne choisiront pas de vivre un exil doré et travailleront, occupant des fonctions somme toute modestes. Seul Mohameden deviendra ambassadeur, après de longues années dans la carrière diplomatique.

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