Mauritanie : Aziz fait de la résistance
Face aux attaques de l’opposition, qui surfe sur la grogne sociale et le mécontentement de la jeunesse, le chef de l’État Mohamed Abdelaziz, fort du soutien d’une partie de la population, a choisi de rendre coup pour coup.
Syndicats d’étudiants, Négro-Mauritaniens, antiesclavagistes… Ils sont nombreux à contester le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, à mi-chemin de son quinquennat. L’opposition, elle, en a profité pour passer à la vitesse supérieure. Elle reproche au chef de l’État sa mauvaise gestion et exige désormais son départ du pouvoir. Regroupée au sein de la Coordination de l’opposition démocratique (COD, dix partis), elle mène tambour battant, depuis plusieurs mois, une campagne à l’intérieur du pays visant à discréditer la politique du président. Pendant ce temps, Aziz multiplie les tournées en province (à Nouadhibou, à Rosso, au Brakna et au Gorgol), leur donnant des airs de campagne avant l’heure. Les discours sont musclés, et les insultes fusent. Le chef de l’État est un « incapable » ? Les dirigeants de l’opposition sont des « vieillards révolutionnaires », riposte-t-il.
Au lieu de les apaiser, le dialogue national, lancé le 17 septembre 2011 et scellé le 19 octobre par un accord sur des réformes constitutionnelles, a envenimé les relations, déjà délétères, entre Aziz et la COD. Celle-ci a jugé que l’accord de Dakar, conclu en 2009, n’avait pas été respecté, tant et si bien que les élections législatives et municipales ont été reportées sine die dès décembre. Les arrestations et la répression systématique n’ont pas suffi à endiguer les manifestations pacifiques.
Le président ne semble pas en mesure de contenir la grogne sociale ni la colère d’une grande partie de la jeunesse.
Le président ne semble pas non plus en mesure de contenir la grogne sociale et la colère d’une grande partie de la jeunesse alors que le taux de chômage avoisine la barre des 40 %, qu’une grave sécheresse menace le pays et que les accès aux services de base ne sont pas garantis. Un revers pour celui qui avait promis pendant la campagne électorale d’être « le président des pauvres » et une occasion de s’affirmer pour la COD, laquelle compte bien s’appuyer sur cet élan contestataire pour progresser dans l’opinion. « Aucun pacte n’a été signé, mais nous aspirons tous à une transition démocratique avec un gouvernement de large consensus », a déclaré Mohamed Ould Abdellah Ould Haybelty, secrétaire permanent du Rassemblement des forces démocratiques (RFD, membre de la COD).
Absence d’alternative
L’homme fort de Nouakchott risque-t-il pour autant d’être une victime tardive du Printemps arabe ? Une chose est sûre, l’absence de proposition d’alternative crédible de la part de la COD joue en faveur d’Aziz. Sans oublier que les appels au départ d’un chef de l’État démocratiquement élu – il a recueilli 53 % des suffrages en juillet 2009 – sont loin de faire l’unanimité. « Il est difficile de comprendre que les partis de l’opposition, qui se disent démocrates, demandent au président de dégager, alors qu’ils ont reconnu les résultats de la présidentielle, confie Mohamed Fall Ould Oumère, rédacteur en chef de l’hebdomadaire La Tribune. Leurs rivalités internes et leur soif de pouvoir les décrédibilisent et font peur à une population qui n’aime pas l’insécurité. »
Si la dernière manifestation organisée par la COD, le 12 mars, a rassemblé des milliers de personnes, Aziz continue lui aussi de drainer les foules. « Les partis de la majorité sont aujourd’hui plus nombreux que lors de la création de la coalition présidentielle », assure Mohamed Mahmoud Ould Jaafar, secrétaire exécutif chargé des affaires politiques de l’Union pour la République (UPR, le parti présidentiel). Le chef de l’État bénéficie en outre du soutien des Occidentaux. Il est à la fois un allié précieux dans la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), mais aussi un partenaire sur lequel ils savent pouvoir compter dans le processus de gestion de la crise au Mali. Mais si Aziz veut rester à l’abri d’une révolte, il devra rapidement mettre en place une commission électorale nationale indépendante afin que les élections, seule solution à la crise politique, puissent être enfin organisées.
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