Sénégal : Aminata Tall, une croix sur les années Wade
Aminata Tall, l’ex-pasionaria du Parti démocratique sénégalais a été nommée secrétaire générale de la présidence. Sa mission : traquer ses anciens camarades soupçonnés de détournement de biens publics.
Il paraît qu’Aminata Tall, 63 ans, ne veut pas entendre parler de revanche. « Elle n’est pas dans cet état d’esprit », assure un voisin de bureau. Disons alors qu’il s’agit d’un joli pied de nez. Ancienne pasionaria du Parti démocratique sénégalais (PDS, d’Abdoulaye Wade), elle a retrouvé le poste – secrétaire générale de la présidence – et le titre – ministre d’État – qui étaient les siens jusqu’en janvier 2011. Mieux : la voilà chargée par le nouveau président, Macky Sall, de traquer ses anciens amis, parmi lesquels les conseillers de Wade qui ont eu le mauvais goût de voler quelques meubles qu’ils pensaient plus à leur place dans leur villa que dans les locaux de la République.
Visiblement, sa nouvelle mission lui tient à coeur. Deux semaines après sa nomination, elle avait déjà cassé près de 150 contrats de travail signés à l’époque de Wade et jugés suspects. Elle avait également fait fermer la plupart des quelque 600 lignes téléphoniques ouvertes par l’équipe précédente, et lancé la police aux trousses de ceux qui avaient cru logique de garder la voiture de fonction que Wade leur avait octroyée. Aminata Tall est également chargée de récupérer des objets d’art et le matériel de production audiovisuelle que le couple Wade a emportés au moment de quitter le Palais. Cette dernière tâche ne doit pas lui déplaire. Car elle a un contentieux avec Wade, mais aussi avec sa femme, Viviane, qu’elle trouvait trop intrusive lorsqu’elle était aux affaires, et avec son fils, Karim, qui est à l’origine selon elle de la dérive de « Gorgui » (« le vieux », en wolof).
D’abord fidèle à Wade
Wade, elle l’a d’abord aimé. Alors enseignante, elle est l’une des premières à le rejoindre lorsqu’il crée son parti, en 1974. Et elle lui est restée fidèle même quand, dans l’opposition, il était au fond du trou. Pendant près de quinze ans, elle a dirigé le mouvement – très influent – des femmes du PDS. Après l’alternance, elle n’a jamais quitté le gouvernement. Successivement ministre de la Famille, du Développement social puis des Collectivités locales, elle avait fini par hériter du secrétariat général de la présidence en octobre 2009.
Mais celle que les Sénégalais surnomment la Dame de fer n’est pas du genre à se laisser faire. « Quand tout l’entourage du président lui disait : "Oui, c’est génial" ; moi je lui disais : "Non" », explique-t-elle. À force, Wade s’en est lassé… En janvier 2011, il lui propose le ministère de la Fonction publique – un placard -, quand elle espère la primature. Elle refuse puis, trois mois plus tard, claque la porte du PDS. Le 27 mars 2011, un an jour pour jour avant la proclamation de la victoire de Sall, elle annonce « la fin de [son] compagnonnage » avec Wade, un « trompeur » qui l’aurait « abusée ». Une lucidité quelque peu tardive, raillent ses détracteurs…
Les mois suivants, elle prépare sa candidature à la présidentielle, avant de finalement apporter son soutien à Macky Sall. Elle a été sa ministre quand il dirigeait le gouvernement. Tous deux sont sur la même longueur d’onde. D’ailleurs, son soutien n’est pas feint : dans le département de Diourbel, fief de Tall, « Macky » a fait le plein de voix au second tour (63,5 %). En faisant d’elle la patronne de l’administration d’un Palais qu’elle connaît jusque dans les moindres recoins, et en lui permettant de se refaire une virginité par la mise en lumière de la gabegie des années Wade, il le lui a bien rendu.
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