Rwanda : un autre visage de l’Afrique
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 23 avril 2012 Lecture : 2 minutes.
Pour celles et ceux qui désespèrent d’imaginer un jour les critères de la bonne gouvernance économique et sociale s’imposer sur le continent, le voyage à Kigali est le meilleur des remèdes. Chaque année, depuis une bonne décennie, je m’efforce de me rendre au Rwanda et, à chaque fois, je sens, je vois et je vérifie que ce petit pays enclavé de 10 millions d’habitants progresse avec obstination dans son combat acharné contre la pauvreté et l’ignorance. Éducation, santé, revenu par habitant, électrification, recouvrement des impôts, tous les indicateurs essentiels sont au vert, avec des taux de progression parfois stupéfiants, validés par les institutions financières internationales. Ici, il faut deux jours et quelques millions de francs rwandais (soit quelques milliers d’euros) pour créer son entreprise. Des « iCityBus » spécialement équipés parcourent les collines pour apprendre aux paysans les secrets de l’informatique, et le gouvernement vient d’acquérir deux cent mille ordinateurs portables de fabrication indienne pour les distribuer dans toutes les écoles. Aucun pays africain n’a fait mieux en matière de lutte contre la corruption. C’est très simple : le moindre policier, douanier, fonctionnaire, ministre, caporal, général soupçonné d’avoir sollicité un dessous-de-table ou une simple dîme est immédiatement suspendu de ses fonctions – il suffit pour cela d’une plainte. S’il est coupable, le tarif est dissuasif : entre un an et vingt ans de prison ferme et la radiation à vie.
Une opération Épervier à la camerounaise, où l’on « découvre » un peu à la tête du client et des années après les faits que telle ou telle personnalité a détourné de l’argent public, a fortiori un scandale de type Beac ou une affaire Cemac, est impensable au Rwanda, où le mal est systématiquement traité à la racine. Quant au coup d’État de type malien, où les mutins d’une caserne finissent par s’emparer du palais présidentiel, il semble, vu de Kigali, se dérouler dans une autre Afrique. Résultat : les responsables, ici, la jouent modeste, sans une once d’arrogance démonstrative, car aucun d’entre eux ne peut se targuer d’être « proche du chef » – et donc protégé par lui -, ni au-dessus de cette « rule of law », qui, avec les mots contrôle, audit et responsabilité, est un peu le bréviaire de Paul Kagamé.
Bien évidemment, sous un gant de velours, la main reste de fer. Cet homme, dont le discret cortège officiel quand il se déplace en ville laisse songeur si l’on pense à ceux de certains de ses pairs, réputés plus démocrates, estime que la construction d’un État fort, institutionnalisé et équitable passe avant les placages électoraux sur fond de clientélisme et de corruption. La démocratie comme instrument de marchandage destiné à complaire aux bailleurs de fonds, très peu pour lui. La sécurité et la dissipation des conflits civils d’abord, les libertés ensuite. Sans doute faudra-t-il attendre 2017 et la fin du dernier mandat de Paul Kagamé pour que le couvercle s’ouvre. D’ici là, Rwanda Inc. aura pris son envol.
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