Histoire : l’avant-garde nègre à l’honneur

Les manuels scolaires n’ont retenu de la présence africaine en Europe que l’épisode tragique de la traite négrière. Pourtant, sur le Vieux Continent ou en Asie, l’Histoire s’est construite avec des Africains au destin hors du commun. Il est temps de leur rendre hommage !

Chocolat dansant, tableau de Lautrec (1896) représentant le célèbre clown noir Rafael Padilla. © D.R

Chocolat dansant, tableau de Lautrec (1896) représentant le célèbre clown noir Rafael Padilla. © D.R

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Publié le 19 avril 2012 Lecture : 2 minutes.

Histoire : l’avant-garde nègre
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Histoire : l’avant-garde nègre

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Un vizir sicilien, un samouraï japonais, un sultan indien, un philosophe allemand, un général en chef de l’armée russe, un comédien populaire britannique… Des hommes de pouvoir, des intellectuels, des artistes d’origine africaine ont marqué leur époque, entre le XIIIe et le XIXe siècle, en Europe ou en Asie. Figures d’exception ? Sans doute, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’histoire occidentale n’est pas unicolore. Elle abonde en personnalités noires au destin exceptionnel.

Les travaux des historiens ont mis en lumière les trajectoires de nombreux Nord-Africains qui se sont illustrés pendant l’Antiquité gréco-romaine. Il suffit de penser au dramaturge latin Térence (190 av. J.-C.-159 av. J.-C.), né à Carthage, tout comme l’écrivain Tertullien (v. 150-160 – 220 apr. J.-C.). Mais aussi au platonicien Apulée (v. 123-125 – v. 170) et à saint Augustin (354-430), nés sur les terres de l’actuelle Algérie, ou encore au philosophe Plotin (v. 205-270), originaire d’Égypte… Le précepteur du futur empereur Marc Aurèle était le grammairien Fronton (v. 100-v. 175), considéré comme le plus grand orateur après Cicéron. Il se présentait lui-même comme un « Libyen nomade ». L’un des premiers papes, celui qui imposa le latin comme langue de messe, Victor Ier (mort en 199), était amazigh. À cette époque, le nord du continent africain et la civilisation gréco-romaine étaient intimement liés. Les échanges entre ces deux régions du bassin méditerranéen étaient nombreux.

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Mais, au-delà de cette période, peu de travaux – hormis ceux consacrés à la traite négrière et à l’esclavage – interrogent la présence des Africains sur le Vieux Continent, comme si l’histoire européenne ne voulait rien savoir de ses héros noirs. Pis, ainsi que le dénonçait en 1954 Cheikh Anta Diop dans Nations nègres et culture, certains historiens se sont efforcés de blanchir l’Histoire. Qui sait aujourd’hui que le génie de la littérature russe, Alexandre Pouchkine, avait un aïeul camerounais de renom ? Son arrière-grand-père fut, en effet, le secrétaire particulier du tsar Pierre le Grand avant de devenir le troisième personnage de l’Empire russe.

Présenter le parcours hors du commun de ces hommes ne relève pas d’une posture négriste. Mais, ainsi que se le demande l’historien franco-­béninois Dieudonné Gnammankou, « peut-on continuer à étudier, enseigner et diffuser l’histoire des sociétés européennes sans y intégrer (ou en ignorant totalement) la permanence de la présence africaine qui est documentée sur une période qui remonte à au moins quatre mille ans » ? Certainement pas

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