Qui a commandé des fake news sur la Croix-Rouge au Burkina Faso ?
Le projet « Story Killers » d’un consortium de journalistes révèle une campagne de manipulation orchestrée, en 2020, contre le Comité International de la Croix-Rouge et ses actions au Faso.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 17 février 2023 Lecture : 2 minutes.
Bien avant un certain vent nationaliste qui suggère, au Sahel, la méfiance envers les interventions d’entités diplomatiques ou humanitaires d’origine occidentale, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) se voyait ciblé, en 2020, par des rumeurs d’accointances avec les groupes armés qui endeuillaient déjà le Burkina Faso.
Au cœur du mois d’août, une tribune paraissait dans le magazine français Valeurs actuelles peu réputé pour son attachement aux interventions caritatives dans les pays du Sud. Signé Emmanuel Dupuy, le texte subodorait que le CICR pourrait être le « parrain involontaire du terrorisme au Burkina Faso ». L’analyste évoquait des échanges qu’auraient eu des employés de l’institution d’aide humanitaire avec des membres de groupes armés terroristes, afin de pouvoir circuler dans certaines zones burkinabè sans encombre.
Si le président du CICR Peter Maurer confirmera l’entretien de « dialogues (…) non pas pour faire plaisir ni pour conférer quelque légitimité que ce soit à des groupes armés ou à un gouvernement » mais par « besoin humanitaire », la pratique – quête habituelle de sauf-conduits dans un engagement neutre – était qualifiée de « compromission » par l’auteur de la tribune. Dupuy allait plus loin en évoquant des fournitures de « vivres aux terroristes ». Ses propos circulèrent comme une trainée de poudre, dans la presse numérique burkinabè, et provoquèrent une polémique anti-CICR sur les réseaux sociaux.
Façonnage d’infox
Quelques mois plus tard, infiltrés dans plusieurs entreprises spécialisées dans le façonnage d’infox, des journalistes d’investigation du consortium Forbidden Stories enquêtent sur diverses manipulations qui concernent notamment l’Afrique, de l’influence illégale de scrutins à de la diffusion abusive de données non-déontologiques dans des médias mainstream. À titre d’exemple, des magiciens des fake news leurrés par les enquêteurs leur dévoilent que la tribune sur le CICR n’était pas seulement nourrie d’informations bancales. Elle était le fruit d’une « opération de manipulation élaborée, conçue et opérée par la société israélienne Percepto, avec l’aide de services de sécurité burkinabè, visant à nuire à l’image d’une ONG internationale perçue comme un peu trop critique ».
Si Emmanuel Dupuy nie avoir perçu une rémunération de la société autoproclamée « maître de la perception », il reconnaît que le thème de la tribune lui avait été suggéré par l’Israélien Samuel Sellem, à l’époque conseiller du président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré… Déjà à l’origine de la révélation du scandale lié au logiciel espion Pegasus, le consortium Forbidden Stories dévoile, en ce mois de février 2023 et dans le cadre du Projet « Story Killers », toutes sortes d’opérations de désinformation, de manipulation et d’ingérence sur les réseaux sociaux.
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