Médias : au Niger, une liberté vite apprivoisée
Journaux, radios et télévisions se multiplient au Niger, un pays où la presse n’est plus considérée comme une ennemie.
Niger : l’effet Issoufou
Personne n’a fait mieux. D’après l’ONG Reporters sans frontières (RSF), le Niger est le pays qui a connu l’an dernier la plus forte progression en matière de liberté de la presse. Dans le classement mondial 2011-2012 publié en janvier, il pointe à la 29e place (entre le Royaume-Uni et l’Australie) après avoir gravi 75 marches par rapport à 2010.
La différence, tous les journalistes l’ont ressentie. Arrestations, détentions arbitraires, suspensions de titres, interdictions d’émettre… Dans les derniers mois du régime de Mamadou Tandja, les rapports entre la presse et le pouvoir s’étaient considérablement dégradés (lire p. 112). Depuis sa chute, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. « Aujourd’hui, les journalistes nigériens victimes d’exactions sont très rares », explique Ambroise Pierre, responsable du bureau Afrique de RSF.
Les autorités de la transition ont opéré un changement radical avec la dépénalisation des délits de presse, adoptée par ordonnance dès juin 2010, soit quatre mois après leur arrivée au pouvoir. Le président Mahamadou Issoufou n’a pas tardé à leur emboîter le pas. En novembre 2011, il est devenu le premier (et à ce jour l’unique) chef d’État à signer la déclaration de la Montagne de la Table, une charte rédigée par l’Association mondiale des journaux, réclamant la fin des sanctions pénales en Afrique pour les délits de diffamation et d’insulte. « Un autre élément, qui n’apparaît pas dans nos classements, me paraît fondamental, ajoute Ambroise Pierre. C’est l’attachement des nouvelles autorités à la liberté de la presse. »
Ainsi, dans les cent premiers jours de son mandat, Mahamadou Issoufou a organisé une conférence de presse d’un genre inédit pour un président nigérien : elle était ouverte à tous les médias, publics comme privés. Ces derniers sont maintenant invités, à tour de rôle, à prendre part aux voyages officiels dans le pays (pratique initiée par l’ancien Premier ministre de Mamadou Tandja, Seini Oumarou).
Effervescence
Le paysage médiatique nigérien n’a pas tardé à se laisser porter par ce vent de liberté. Les chaînes de télévision ont poussé comme des champignons. Elles sont désormais onze (deux publiques, neuf privées) autorisées à émettre, alors que le pays ne disposait que de quatre chaînes privées il y a deux ans (Radio Télévision Ténéré, Dounia, Canal 3 et Bonférey). Même foisonnement du côté de la presse écrite : le pays compte désormais plus de 70 titres – « Je n’arrive plus à tenir le compte ! » confesse le président de la Maison de la presse, Boubacar Diallo -, contre une cinquantaine en juin 2011. Un titre privé, L’Enquêteur, est même devenu quotidien – le seul, avec Le Sahel, propriété de l’État.
Cette effervescence ne règle cependant pas tous les maux. La plupart des journaux sont des hebdomadaires et restent fragiles (ils n’ont parfois ni siège social, ni personnel permanent), leurs ventes plafonnent à 2 000 exemplaires pour les plus populaires, la publicité est rare et mal répartie, et la qualité laisse bien souvent à désirer.
Quant aux dérives qui avaient déjà cours dans la profession, elles n’ont malheureusement pas été freinées par cet appel d’air, la diffamation, voire le chantage à la publication d’articles embarrassants, restant monnaie courante. Ces derniers mois, quatre titres ont ainsi été condamnés à des amendes pour avoir manqué à la déontologie. S’ils persistent dans ces mauvaises pratiques, les sanctions pourraient s’alourdir jusqu’à la suspension de leur parution. Toutefois, leurs directeurs de la publication ne craignent plus d’être envoyés en prison. Au Niger, on ne traite plus la presse comme une ennemie.
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