Niger : démocratie, an I

Depuis l’investiture de Mahamadou Issoufou, le 7 avril 2011, le pays a tout fait pour rester le bon élève de la région. Malgré des indicateurs encore médiocres en termes de développement humain, la croissance est bien là. Même constat pour la stabilité et la bonne marche des institutions.

La directrice du FMI, Chrsitine Lagarde, en visite à Niamey le 21 décembre 2011. © AFP

La directrice du FMI, Chrsitine Lagarde, en visite à Niamey le 21 décembre 2011. © AFP

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Publié le 2 mai 2012 Lecture : 3 minutes.

Niger : l’effet Issoufou
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Niger : l’effet Issoufou

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Barack Obama veut mettre en avant les « démocraties africaines » ? En juillet 2011, Mahamadou Issoufou est invité à la Maison Blanche. Christine Lagarde cherche des points de chute pour sa première visite africaine de directrice du Fonds monétaire international (FMI) ? Elle est reçue à Niamey en décembre. Le candidat à la présidentielle française François Hollande désire s’afficher aux côtés d’un chef d’État africain ? C’est vers celui du Niger que, mi-mars, il se tourne.

Depuis le retour de la démocratie, avec l’élection, le 12 mars 2011, du président Issoufou, les grands de ce monde ne sont pas avares d’honneurs envers un pays hier encore au ban de la communauté internationale. C’est que le Niger impressionne, et pas seulement par son activité diplomatique. D’après le FMI, son économie va croître de 14,1 % cette année (lire pp. 89 à 91). Un boom dû en grande partie à l’aboutissement de chantiers engagés de longue date (la production pétrolière et le démarrage de la raffinerie de Zinder). Et l’essor devrait se poursuivre, tiré par le développement des industries extractives et le retour de la confiance.

Érigée en priorité, la lutte contre la corruption divise la classe politique.

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Stabilité

L’année écoulée n’a pourtant pas été tendre. La guerre en Libye a contraint des dizaines de milliers de travailleurs expatriés à rentrer au pays. Les convulsions du Nigeria, aux prises avec l’islamisme radical de Boko Haram, et, depuis la fin 2011, la rébellion touarègue au Mali, ont achevé de faire du Niger l’un des rares îlots de stabilité dans la région (lire pp. 93-94 et 97). Si le pays a été épargné par la violence des crises de ses voisins, ces dernières lui pèsent : dépenses accrues de sécurité pour préserver la stabilité, situation socio-économique précaire des rapatriés, échanges commerciaux rendus plus difficiles, alors qu’une nouvelle crise alimentaire menace 5,4 millions de Nigériens. Avec plus de 40 % de sa population vivant au-dessous du seuil de pauvreté (soit avec moins de 1,25 dollar par jour), le Niger stagne à l’avant-dernier rang du classement de l’indice de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).

Les premiers revenus du pétrole et ceux de l’uranium, même à prix renégocié, ne lui ont pas encore permis de changer radicalement le quotidien de la population. Toutefois, l’État est parvenu à maintenir la paix et à soulager les fardeaux des plus modestes : programmes d’urgence pour éviter la famine, revalorisation des salaires et pensions des fonctionnaires (de 10 % pour les plus faibles) ou encore baisse des prix de l’eau et de l’électricité.

Côté politique, l’enthousiasme collectif des lendemains de la présidentielle – quand l’opposition saluait l’initiative de Mahamadou Issoufou de créer un statut à son chef de file battu, Seini Oumarou – a fait long feu.

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Grincements de dents

Le chef de l’État n’étant pas homme à sacrifier ses convictions sur l’autel d’un hypothétique consensus, la lutte contre la corruption, qu’il a placée parmi ses priorités, fait grincer bien des dents. Huit députés, dont deux de la majorité, se sont vu retirer leur immunité le 2 avril pour être entendus par la justice. La coalition présidentielle a résisté, mais avec l’opposition, la rupture est consommée.

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Reste que le combat politique se déroule désormais dans un cadre démocratique, bâti par les autorités de la transition, consolidé par le gouvernement de Brigi Rafini et gardé par un Conseil constitutionnel intransigeant. Mi-février, ce dernier n’a pas hésité à déclarer anticonstitutionnel l’octroi d’un marché public à un député du parti au pouvoir par deux ministres, celui de l’Économie et celui de l’Équipement, également membres du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya). Le 2 avril, ils ont été limogés et l’opposition parlementaire a déposé une motion de censure contre le gouvernement.

Il faudrait plus que le courroux de l’opposition et les attaques de sa presse, désormais libre, pour faire dévier Mahamadou Issoufou de la trajectoire qu’il a choisie et qui, estime-t-il, doit passer par des réformes en profondeur et des projets de long terme.

L’an I de la VIIe République a donc été celui du renforcement de la cohésion nationale et de la restauration des services publics. Pour préparer l’avenir, 2 800 salles de classe (presque autant qu’en dix ans de Tandja, souligne le gouvernement) ont été construites, plus de 3 000 enseignants recrutés, de même que 500 médecins.

Les défis restent aussi impressionnants que les monts de Bagzans, point culminant du pays dans le massif de l’Aïr. Comme eux, ils ne sont pas hors de portée. Il faudra cependant plus qu’un retour à la démocratie, aussi réussi soit-il, pour y parvenir. Mais Niamey a pris la bonne direction. 

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