Présidentielle 2012 : Frivoles, ces Français !
Mais où est donc passée la crise dont on nous rebattait les oreilles ? Il y a quelques mois, la Grèce frôlait la banqueroute, la contagion gagnait le Portugal, l’Espagne et l’Italie, la zone euro menaçait d’imploser, et, pour justifier la hausse du taux de chômage en France, Nicolas Sarkozy allait partout répétant que ladite crise était la pire que le monde ait connue depuis la Grande Dépression de 1929. Histoire de nous remettre dans une ambiance d’époque et de nous consoler d’être un pays vermoulu, on diffusait en boucle les images rétro de The Artist, ce film made in France muet et en noir et blanc qui triomphait aux Oscars. Fini la rigolade, fini le « modèle français ». Adieu pavillons et paisibles retraites. L’heure était au régime sec. Je vous l’avais bien dit, exultait Marine Le Pen, on va revenir à notre bon vieux franc.
Et puis, tout à coup, silence. Rideau. Black-out. En pleine campagne électorale, parler de hausse d’impôts ou de diminution de la dépense publique risque d’effaroucher l’électeur. Tout le monde s’est souvenu que, pour appâter le gogo, il faut être démago. Au moins l’espace d’un printemps.
Le socialiste François Hollande promet de « réenchanter la France », de recruter 60 000 fonctionnaires, alors que les caisses sont vides ? Petit joueur ! À sa gauche, Jean-Luc Mélenchon le double en proposant de faire « payer les riches ». Inquiet, Hollande renchérit en proposant de les taxer à 75 %. Calembredaines, fustige Sarkozy qui, lui, menace de punir les exilés fiscaux et prône le protectionnisme. François Bayrou rappelle qu’il faudra diminuer les dépenses, mais, en bon centriste, se garde bien de dire lesquelles et comment. Bref, plus aucun candidat ne parle de la crise (à croire qu’elle n’a jamais existé) ni de l’Europe (à croire que la France est seule au monde).
On allait se laisser bercer par cette barcarolle quand l’ennemi a surgi de l’ombre. La perfide Albion, of course. « La France vit dans le déni, c’est l’élection la plus frivole de toute l’Europe », ricane The Economist. Pour bien se gausser de ces noceurs de Français qui se pavanent en vivant au-dessus de leurs moyens, l’hebdomadaire britannique a fait sa une avec Le Déjeuner sur l’herbe, célèbre tableau de Manet où l’on voit une femme nue (cette France grassouillette, car gavée d’avantages sociaux) se faire baratiner par deux pique-niqueurs en goguette (Sarkozy et Hollande). Entendez : alors que le pays croule sous le poids de la dette et qu’il risque « de se retrouver au centre de la prochaine crise de l’euro », ses deux principaux candidats continuent de promettre à tout va et de s’en remettre à un État providence… qui n’a plus un sou en caisse.
Pour les Britanniques, les Français (qui ne font pas confiance au marché) ne sont pas assez libéraux sur le plan économique. Mais la France, représentée en femme nue, est de moeurs libérales. C’est déjà ça.
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