France : ces électeurs venus d’ailleurs

Traditionnellement, les Français expatriés votent plus à droite que les autres. Sarkozy compte sur eux pour la présidentielle, mais aussi, désormais, pour conserver l’Assemblée nationale. À tort ou à raison ?

Parmi ses onze circonscriptions de l’étranger, la France en compte deux africaines. © Montage J.A.

Parmi ses onze circonscriptions de l’étranger, la France en compte deux africaines. © Montage J.A.

Christophe Boisbouvier

Publié le 30 avril 2012 Lecture : 4 minutes.

« Merci Sarkozy », lance un candidat socialiste qui briguera les suffrages des Français de l’étranger lors des législatives. De fait, c’est grâce à la réforme constitutionnelle de juillet 2008 que, pour la première fois, les « Français d’ailleurs » vont élire des députés. Jusqu’à présent, ils ne votaient qu’à la présidentielle, n’étaient représentés qu’au Sénat et n’élisaient même pas directement leurs sénateurs. Cette fois, ils vont voter directement pour des gens qui siégeront à l’Assemblée nationale. Comme en France, le scrutin sera uninominal et majoritaire à deux tours. Le monde a donc été découpé en onze circonscriptions. Dans chacune d’elles, les électeurs éliront un député.

Pourquoi Sarkozy a-t-il fait passer cette réforme ? Parce que les Français de l’étranger sont de plus en plus nombreux : 900 000 inscrits en 2007, 1,1 million en 2012. Mais aussi, sans doute, par calcul politique. Traditionnellement, les Français de l’étranger sont plus à droite que les autres. Au second tour de la présidentielle de 2007, 55 % d’entre eux avaient voté Sarkozy – contre 53 % en France. Un récent sondage Opinionway révèle que, chez eux au moins, Sarkozy peut battre Hollande au second tour (51 % des intentions de vote).

Ce qui est amusant avec ces nouvelles circonscriptions, c’est leur immensité.

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Ce qui est amusant avec ces nouvelles circonscriptions, c’est leur immensité. La 9e regroupe ainsi l’Afrique du Nord et une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. La 10e, le reste de l’Afrique et le Moyen-Orient. Du coup, les candidats ne cessent de voyager… Plus curieux encore, ces vastes circonscriptions créent des réflexes régionalistes. Dans la 9e, Khadija Doukali, la candidate UMP, née au Maroc d’un père marocain et d’une mère française, aime bien rappeler ses origines pour montrer qu’elle a davantage d’attaches locales que Pouria Amirshahi, son adversaire socialiste arrivé en France, venant d’Iran, à l’âge de 5 ans. Même chose dans la 10e, mais à l’envers. Jean-Daniel Chaoui, le candidat socialiste établi à Madagascar depuis neuf ans, traite volontiers son adversaire UMP, l’ex-juge antiterroriste Alain Marsaud, de « parachuté ».

Les candidats des deux circonscritpions africaines (9e et 10e) : Khadidja Doukali (UMP, © D.R.) contre Pouria Amirshahi (PS, © D.R.), et Alain Marsaud (UMP, © Meigneux/Sipa) contre Daniel Chahoui (PS, © D.R.).

Chaque candidat met en avant ses atouts. Dans la 9e, Doukali la femme d’affaires – elle a dirigé une grosse société de pêche marocaine – ne manque pas une occasion de souligner sa double identité : « En tant que Franco-Marocaine, je suis bien placée pour connaître les problèmes des binationaux » (majoritaires parmi les quelque 25 000 électeurs inscrits au Maroc). Secrétaire national du Parti socialiste, Amirshahi, dont le QG électoral est également à Rabat et qui comprend l’arabe, réplique : « Cela n’empêche pas Mme Doukali de soutenir un candidat, Nicolas Sarkozy, qui a stigmatisé de manière honteuse les Français d’origine maghrébine, qui a remis en cause la binationalité et mis en place la circulaire Guéant. »

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Dans la 10e, Marsaud surfe sur sa notoriété de magistrat. En 1986, c’est lui qui inaugura la section antiterroriste du parquet de Paris. Inutile de dire qu’en Syrie ou au Liban (plus de 21 000 inscrits) son discours sécuritaire passe bien. Jean-Daniel Chaoui est beaucoup moins connu. Mais cet enseignant, dont le grand-père est d’origine marocaine, a vécu au Gabon et à Djibouti. En 2003, à Madagascar (près de 20 000 inscrits, dont une majorité de binationaux), il a été élu conseiller des Français de l’étranger. Perfide, il glisse : « Je crois qu’on connaît mieux le mime Marceau que le juge Marsaud. »

Quels sont les grands thèmes de la campagne ? La sécurité, bien sûr. Au Moyen-Orient, mais aussi en Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, la droite rappelle le rôle clé joué par Sarkozy dans le dénouement de la crise, il y a un an. Au Mali, la gauche se rattrape en accusant le président de ne pas avoir mesuré les conséquences de la guerre de Libye sur les pays du Sahel.

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Autre sujet sensible : la fiscalité. Alain Marsaud accuse fréquemment le socialiste Jérôme Cahuzac, qui préside la commission des finances à l’Assemblée, d’avoir voulu taxer les Français de l’étranger, qui paient déjà un impôt dans leur pays de résidence. « C’est un mauvais procès, répond le sénateur socialiste Jean-Yves Leconte. Ce projet n’a pas été retenu par le candidat Hollande. » Commentaire d’un cadre commercial français de Douala : « Pour moi, ce qui compte, c’est de ne pas être imposé deux fois. Et la menace, je la vois davantage venir de la gauche que de la droite. »

Les grands thèmes de la campagne ? La sécurité, la fiscalité et, surtout, l’école.

Reste le sujet numéro un : l’école. Un puits sans fond. Pour les 400 000 élèves des écoles françaises à l’étranger, Paris débourse annuellement 540 millions d’euros. Insuffisant. Pour nombre de parents d’élèves français, les frais de scolarité restent insupportables. En 2007, Sarkozy a marqué un point. Sur le thème « Louis, mon dernier fils, est scolarisé à New York ; je connais le problème », il a annoncé la gratuité de la scolarité au lycée.

Problèmes : 1. L’État ne rembourse qu’un montant égal aux frais de 2007, et pas l’augmentation, parfois très importante, de ces quatre dernières années ; 2. La mesure, faute de moyens, n’a pu être étendue au collège et au primaire.

Le PS propose un autre système : pas de gratuité pour tout le monde, mais une prise en charge en fonction des revenus. « Qui va vérifier les revenus de tous les chefs d’entreprise ? Bonjour la fraude ! » s’exclame Marsaud. « Pour faire cette vérification, il faudrait déjà que le personnel consulaire n’ait pas été réduit comme peau de chagrin », réplique Chaoui. 

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