François Hollande peut-il rompre avec la Françafrique ?
François Hollande, le candidat socialiste à la présidentielle française, souhaite mettre en place avec le continent une relation « nouvelle, dépassionnée et durable ». Autrement dit : rompre avec la Françafrique ou ce qu’il en reste.
Accusé par la droite de n’avoir aucun programme, François Hollande dévoilera enfin sa politique africaine entre les deux tours de l’élection présidentielle française, lors d’un discours au cours duquel le candidat socialiste devrait annoncer la rupture. Comme l’avait fait un certain Nicolas Sarkozy, en mai 2006, à Cotonou…
Avec lui, promettra sans doute Hollande, il ne sera plus question d’accueillir en grande pompe à Paris les dictateurs de tout poil, comme le furent en leur temps Ben Ali, Assad ou Kadhafi. Plus question non plus d’observer un silence coupable face à des tentatives de succession dynastique ou à des changements constitutionnels imposés à l’approche d’un scrutin présidentiel. Ses conseillers jurent qu’il ne s’ingérera pas dans les affaires judiciaires (biens mal acquis) et ne mettra pas en place une diplomatie parallèle – à laquelle tous les gouvernements, de droite comme de gauche, n’ont pourtant jamais cessé d’avoir recours.
« Nous voulons en finir avec la politique des coups, les effets d’annonce sans suite et les méandres de la Françafrique », soutient Laurent Fabius, qui se verrait bien, dit-on, au Quai d’Orsay. Le PS tente de raviver le souvenir des prises de position les plus discutables de Sarkozy (discours de Dakar), afin de mettre en valeur la relation « nouvelle, dépassionnée et durable » qu’il prétend instaurer avec le continent.
Sans réel tropisme africain ni véritable expérience continentale, Hollande cherche à donner de lui-même l’image d’un homme neuf, sans a priori, à l’écoute… Mais en évitant de prendre le moindre risque. C’est ce qui ressort des entretiens accordés ces derniers mois à divers journaux – dont Jeune Afrique et Afrique Magazine. Plus politiquement correct…
Quel programme ?
Les interventions en Libye et en Côte d’Ivoire sous égide onusienne ont été approuvées par le Parti socialiste, même s’il déplore aujourd’hui les conséquences de la chute de Kadhafi pour la sécurité dans la région sahélo-saharienne. Les propositions les plus audacieuses de son entourage – tenue d’états généraux consacrés à l’aide au développement, fin de la parité fixe du franc CFA avec l’euro… – seront étudiées plus tard avec les partenaires africains.
Les interventions en Libye et en Côte d’Ivoire ont été approuvées par le Parti socialiste.
Cela n’empêche pas le pôle international de travailler à la rédaction d’un programme. Les sujets concernant l’Afrique sont répartis entre plusieurs sections et plusieurs responsables. Kader Arif, député européen, dirige le pôle coopération. Thomas Mélonio, responsable Afrique au PS, qui travaille par ailleurs à l’Agence française de développement (AFD), planche plus particulièrement sur l’aide et les ONG. Jean-Michel Severino, ancien directeur général de l’AFD, est chargé des pays émergents ; Pierre Schapira, adjoint au maire de Paris, de la coopération décentralisée ; Zouber Sotbar, des relations Nord-Sud ; Louis-Mohamed Seye, du codéveloppement ; et Jean-Paul Bachy, président de la région Champagne-Ardennes, de la francophonie. Ancien secrétaire d’État à l’Intégration, Kofi Yamgnane participe quant à lui à la réflexion sur l’Afrique, tandis que l’avocat William Bourdon, fondateur de l’association Sherpa, conseille Hollande sur les droits de l’homme. Nulle trace, on le voit, des anciens amis de Laurent Gbagbo, comme Jean-Marie Le Guen, François Loncle ou Jack Lang. En haut de la pyramide, Maurice Braud, autrefois chargé des relations internationales au PS, et Pascal Brice, l’ancien directeur de cabinet d’Hubert Védrine au Quai d’Orsay, dirigent le pôle international.
Une équipe d’une cinquantaine de personnes se réunit habituellement le lundi au QG de campagne, dans le 7e arrondissement. « Au début, les discussions avaient des allures de café du commerce, raconte un participant. Mais on a peu à peu défini les grandes lignes, nous disposons aujourd’hui d’un programme. »
En matière de défense, les socialistes sont favorables à des partenariats avec les forces d’interposition de l’Union africaine et des organisations régionales. Jouant la carte du codéveloppement, Hollande prévoit aussi de laisser toute leur place aux partenariats Sud-Sud, ainsi qu’aux acteurs de la société civile et aux collectivités territoriales. Il souhaite rendre l’aide publique plus transparente et promet de doubler l’aide bilatérale transitant par les ONG. Rien de très nouveau, on le voit. Ces promesses avaient déjà été faites par Chirac et Sarkozy. Et jamais tenues.
Arrières-pensées
La stratégie africaine du candidat Hollande n’est pas exempte, bien sûr, de petits calculs électoraux. Car le PS a fait ses comptes. Parmi les Français en âge de voter, 2 millions sont originaires d’Afrique du Nord et 1 million d’Afrique subsaharienne. Entre 150 000 et 200 000 personnes travaillent dans les ONG et les diverses associations qui se consacrent à l’international. Et entre 6 millions et 7 millions de donateurs versent chaque année à des oeuvres sociales, notamment en faveur du continent. Les Français d’Afrique représentent quelque 150 000 électeurs, notamment au Maghreb, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et à Madagascar. En 2007, ils avaient, pour la première fois, voté à gauche.
Le candidat avait envisagé de se rendre en Afrique subsaharienne : soit au Niger soit au siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba. Ce voyage n’aura sans doute pas lieu. « C’est une campagne très franco-française, explique un de ses conseillers. La droite est agressive et attaque tous azimuts. On ne peut se permettre de s’absenter pendant deux ou trois jours. » Le 15 mars, à Paris, Hollande s’est toutefois entretenu avec Mahamadou Issoufou, le président nigérien. Il a été question du partenariat entre les deux pays, des problèmes alimentaires, de la sécurité dans la sous-région et des otages français capturés à Arlit (nord du Niger). Les deux hommes ont aussi parlé de l’uranium exploité par Areva. Issoufou souhaite que les recettes allouées à son pays soient revalorisées. De son côté, Fabius a pu s’entretenir, en décembre 2011 et janvier dernier, dans le cadre d’un programme de conférences sur la mondialisation, avec trois présidents africains : Ali Bongo Ondimba, Faure Gnassingbé et Boni Yayi. En privé, ces derniers n’auraient pas caché leur agacement face au « style sarkozien » et ne verraient donc pas d’un trop mauvais oeil une éventuelle alternance…
En Afrique du Nord, Hollande souhaite accompagner la transition démocratique dans les pays du Printemps arabe. « Un combat à long terme », dit-il, étant entendu que la France se montrera vigilante concernant le respect des « droits fondamentaux ». « Aidons ces pays à ne pas revenir vers les dictateurs et à ne pas basculer dans l’extrémisme religieux », ajoute Fabius. Dans cette perspective, le partenariat euro-méditerranéen a évidemment un rôle important à jouer. « Nous devons nous mettre autour d’une table avec les Européens, explique pour sa part Vincent Peillon, membre éminent du staff de campagne. On pourrait recentrer nos actions autour de certains programmes, comme l’énergie et l’eau, ou de la création d’une Banque de développement. »
Apaisement
La dynamisation des échanges universitaires et des think-tanks est également souhaitée. Reste à trouver des financements en ces temps de restriction budgétaire… Hollande tient aussi à rassurer ses partenaires traditionnels, comme le Maroc et l’Algérie. Dépêchée auprès de Mohammed VI, en mars, Martine Aubry a donné des gages, notamment sur la question du Sahara. De son côté, Kader Arif consulte les diplomates algériens. Le candidat a réservé à ce pays l’un de ses rares voyages en terre africaine (il a rencontré Ahmed Ben Bella en décembre 2010, puis s’est rendu en Tunisie en mai 2011). S’il est élu, il pourrait avoir des mots apaisants – aux antipodes du « rôle positif de la colonisation » – lors du cinquantenaire de l’indépendance, en juillet, même s’il ne souhaite pas s’engager sur la voie de la repentance. Il cherchera aussi à redynamiser le traité d’amitié entre les deux pays.
Hollande devrait aussi, très vite, entreprendre d’amender la circulaire Guéant concernant les étudiants étrangers et assouplir les modalités d’entrée imposées aux diplomates. « Nos partenaires africains le vivent très mal, insiste Fabius. Pour un étudiant, un artiste ou un homme d’affaires, obtenir un visa relève du parcours du combattant. Les ministres sont souvent fouillés comme le sont les autres voyageurs. » Le candidat socialiste propose enfin un débat annuel pour fixer le volume de l’immigration économique et estudiantine, en relation avec les universités. Des mesures qui devraient être bien accueillies sur la rive sud.
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