Maroc : adaptation réussie pour Abdelilah Benkirane

Il jure n’avoir rien changé, mais le chef du gouvernement marocain, Abdelilah Benkirane, a pris ses marques, épaulé par des collaborateurs dévoués et une administration bienveillante.

Le Premier ministre gère son nouveau statut avec philosophie. © D.R

Le Premier ministre gère son nouveau statut avec philosophie. © D.R

Publié le 26 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

Le téléphone portable demeure le meilleur compagnon d’Abdelilah Benkirane. Ou plutôt les téléphones. Il a confié le premier à son assistante pour filtrer les appels. Des amis et militants continuent de le joindre pour le féliciter, exprimer une doléance ou simplement bavarder. Cette avalanche de sonneries a eu raison de la disponibilité légendaire du chef du gouvernement marocain, lui qui donnait généreusement son numéro aux diplômés-chômeurs massés près du siège du PJD, dès le lendemain des législatives. Il a, depuis, un second portable, plus officiel, qu’il tente d’utiliser avec parcimonie. Les numéros inconnus sont notés, et Benkirane peut vous rappeler à 23 heures en vous demandant tout de go ce que vous lui voulez.

« C’est encore plus difficile que tout ce que l’on pouvait imaginer », concède-t-il. L’homme qui nous accueille dans son bureau du Méchouar, l’enceinte du palais royal de Rabat, n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre.

la suite après cette publicité

Cravate

Le look, d’abord. La cravate, hier honnie, est aujourd’hui de mise, car le chef du gouvernement craint de donner un mauvais signal à ses collaborateurs. « J’ai encore du mal à m’y faire, les cols de ma chemise sont certainement trop étroits. » Un peu gêné aux entournures par le costume, mais à l’aise dans le rôle, Benkirane sait qu’il peut compter sur des lieutenants fidèles. Patron de PME avant de gérer les destinées du PJD depuis 2008, Abdelilah Benkirane est d’abord un novice de l’État qui gère son nouveau statut avec philosophie. Les visites de courtoisie se succèdent et les secrétaires gèrent le chassé-croisé ; gâteaux à la pâte d’amande et verres de thé sont débarrassés à la hâte. « Tout cela fait partie du travail, je l’accepte de bon coeur. » Son expérience d’élu et de chef de parti politique ne l’a pas habitué au faste de la monarchie, mais l’hospitalité, la générosité sont chez lui une seconde nature.

La confiance établie, il s’enquiert de la famille, un peu à la manière d’un papy prévenant et affable. À 58 ans, c’est un homme dynamique, qui ne ploie pas sous la fatigue accumulée depuis des mois. Beaucoup de voyages, pour représenter le Maroc à Tunis, à Doha, à Marseille, récemment encore à Dakar pour l’investiture du président Macky Sall. « Le rythme est très soutenu », confirme Benkirane. L’étude des dossiers, en fonction des urgences, commence tôt le matin avec ses proches collaborateurs. Le benjamin du gouvernement et ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, lui prépare un brief de presse quotidien. « Le gouvernement continue de faire l’actualité », explique El Khalfi, lui-même ancien directeur d’Attajdid, le journal proche du PJD. Le plus souvent, Benkirane est accompagné de deux personnes : Abdellah Baha et Jamaa Mouatassim.

Deux piliers

la suite après cette publicité

Suivant Abdelilah Benkirane comme son ombre, Abdellah Baha, ministre d’État, est le numéro deux de l’équipe gouvernementale et dispose d’un bureau à l’intérieur du Méchouar. C’est-à-dire le même que le chef du gouvernement. Le Palais avait refusé la création d’un poste de vice-chef du gouvernement au motif que la Constitution ne le prévoit pas. Peu importe, Baha l’est de facto. Quand le chef du gouvernement n’est pas disponible, le « frère Baha » prend la relève. « Ma femme nous taquine souvent parce que nous sommes inséparables, s’amuse Benkirane. Elle nous appelle 1 + 1 = 1. »

Le chef du gouvernement s’appuie également sur de nombreux militants et sympathisants du PJD à l’intérieur de l’administration marocaine, dont certains ont été détachés des ministères pour renforcer la primature. Le chef d’orchestre en est le « dircab » Jamaa Mouatassim, élu communal de Salé Tabriquet. Coordinateur national des législatives pour le PJD, c’est un fidèle. Au début de l’année dernière, il a été brièvement détenu pour « corruption, abus de pouvoir, faux », ce qui avait déclenché une fronde sans précédent au sein du PJD. Les députés du parti de la lampe avaient poussé la contestation jusque sous la coupole du Parlement. Nommé, le 21 février 2011, au Conseil économique et social, Mouatassim avait été réhabilité par le roi. Un an après la prison, le voici directeur de cabinet du chef du gouvernement.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Pour Abdelilah Benkirane (à g.), la relation avec le roi n’a rien de magique. © AFP

Maroc : Mohammed VI-Benkirane, jours tranquilles à Rabat

Le mouvement du 20 février, ici à Rabat le 27 février. © Pascal rossignol/Reuters

Maroc : le roi gouverne… mais il n’est plus le seul

Contenus partenaires