Accusé d’« afrocentrisme », Kevin Hart est privé de scène en Égype
L’humoriste américain devait se produire au Caire, ce 21 février, mais les réseaux sociaux ont exhumé ses propos présumés sur les Africains noirs « rois d’Égypte », qui n’ont pas plu à tout le monde.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 22 février 2023 Lecture : 2 minutes.
Kevin Hart ne veut plus seulement faire rire. Le roi du stand-up vient de tenter une sorte de « coming-out » dramatique dans une série de la plateforme de streaming Netflix, La Réalité en face, qui dépeint le versant sombre de la vie d’humoriste à succès. Pour ne pas réduire son image à celle du « rigolo de service », il n’hésitait déjà pas à donner son avis sur des faits de société, notamment sur l’éducation réservée à la « communauté » africaine-américaine. Mais il n’imaginait sans doute pas faire grincer des dents jusqu’en Égypte.
« Nous étions rois d’Égypte »
Ce mardi 21 février, Kevin Hart devait se produire pour la première fois au Caire. C’était sans compter sur les internautes locaux, qui ont exhumé des déclarations à lui attribuées : « Nous devons enseigner à nos enfants la véritable histoire des Africains noirs, l’époque où nous étions rois d’Égypte et pas seulement l’époque esclavagiste qui domine les cours aux États-Unis. Vous souvenez-vous du temps où nous étions rois ? » Et les réseaux sociaux égyptiens d’accuser l’humoriste de concessions à l’« afrocentrisme », ce paradigme qui met en avant, parfois au forceps, l’apport des cultures africaines à l’histoire mondiale. Puis le tollé de se muer, sur le Net, en appel viral au boycott de la prestation de Hart…
Certains historiens travaillent depuis longtemps sur les « pharaons noirs » qui seraient venus de Napata, au Soudan
Le spectacle cairote sera annulé, pour « des raisons logistiques », officiellement. Mais la presse arabe ne manquera pas de faire monter la mayonnaise de la controverse, en évoquant la frilosité d’une production qui n’assumerait guère les relents de wokisme des débats soulevés, la tentation de réécriture de l’histoire de l’Égypte ancienne.
Un réexamen des faits que Hart n’a pas initié. Certains historiens travaillent depuis longtemps sur les « pharaons noirs » qui seraient venus de Napata, au Soudan, et auraient contribué à une renaissance égyptienne, mais auraient été éclipsés par la notoriété historique de Toutankhamon ou Ramsès II. Pour certains internautes « égyptocentristes », ces travaux ne relèveraient que du « blackwashing ».
« Appropriation » : ultime fléchette lancée sur les cibles du show-business américain, le mot a été lancé par des patriotes ou nationalistes égyptiens – c’est selon – contre Kevin Hart, cette fois, accusé de phagocyter le patrimoine antique égyptien au bénéfice de son afro-militantisme et aux dépens des Arabes. Au-delà du buzz conjoncturel, les égyptologues finiront peut-être de trancher la question des couleurs de peau des pharaons sacrés, au fil des règnes. Mais les réactions épidermiques à l’égard d’anciens propos présumés d’un saltimbanque trahissent, en Égypte comme dans beaucoup de pays du monde, la crispation des revendications identitaires nationalistes.
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