Aide au développement : le grand bond en arrière
En pleine cure d’austérité budgétaire, les pays du Nord ont réduit leurs financements en faveur du développement en 2011. Reniant ainsi toutes leurs promesses.
Les économistes jugeaient la baisse de l’aide publique au développement (APD) inévitable en raison de la crise économique, les responsables politiques assuraient qu’ils tiendraient bon. Les chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publiés le 4 avril, ont donné raison aux premiers. En 2011, l’APD a atteint 133,5 milliards de dollars (102,1 milliards d’euros), soit une diminution en valeur réelle de 2,7 % (aux prix et taux de change de 2010) et en volume de 3,4 milliards de dollars par rapport à l’année précédente.
Ce premier fléchissement depuis 1997 intervient après une progression de 63 % entre 2000 et 2010. La raison est d’une logique implacable : les pays du Nord, notamment européens, ont entamé une cure d’austérité budgétaire. « J’applaudis les États qui tiennent leurs engagements malgré leurs sévères plans de consolidation fiscale. Ils montrent que la crise ne devrait pas être utilisée comme une excuse pour réduire les contributions au développement », a lancé Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE.
Levier secondaire
Problème : ces bons élèves sont minoritaires (voir carte), et l’objectif des 0,7 % de la richesse nationale consacrés à l’aide s’éloigne encore un peu plus, contrairement aux engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles, en 2005. « Au rythme actuel, les 0,7 % seront atteints dans cinquante ans ! » ironise Sébastien Fourmy, de l’ONG Oxfam.
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Même à l’égard de l’Afrique, les donateurs sont moins généreux. L’aide bilatérale s’est élevée à 28 milliards de dollars pour la partie subsaharienne (- 0,9%), et seuls les soutiens financiers débloqués en urgence pour accompagner le Printemps arabe ont permis de dépasser les 31 milliards. C’est moins que les investissements étrangers et les transferts des migrants. Autrement dit, l’APD est devenue un levier secondaire au développement.
C’est le premier fléchissement depuis 1997, après une progression de 63% entre 2000 et 2010.
« Il est sain que les apports de capitaux privés aient pris le dessus, mais il serait criminel de dire que l’on peut se passer de l’aide, puisque l’Afrique doit mobiliser des dizaines de milliards de dollars pour ses infrastructures, explique le banquier franco-béninois Lionel Zinsou, patron du fonds d’investissement PAI Partners. Comme les pays de l’OCDE en ont au moins pour cinq années d’ajustement, l’Afrique doit chercher d’autres mécanismes de financement en sollicitant les marchés financiers et les nations émergentes qui regorgent d’épargne. » Reste qu’en se montrant moins généreux, c’est aussi un peu de leur influence que les pays riches vont perdre.
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