Sénégal : génération Macky
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 10 avril 2012 Lecture : 2 minutes.
« Lucky Macky », titre, de manière quelque peu réductrice, le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist dans son édition du 7 avril. Certes, les circonstances ont été largement favorables à Macky Sall. Mais le tombeur d’Abdoulaye Wade a surtout su incarner l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. En moins de quatre ans…
Depuis ce fameux 25 mars, date du second tour de la présidentielle, tout se déroule comme dans un rêve. En moins d’une dizaine de jours, les Sénégalais sont passés de la plus grande inquiétude à un profond soulagement, puis à l’espoir, sentiment qu’ils n’avaient plus goûté de longue date. Car le second mandat de Wade ressemblait trop à une triste fin de règne dans un pays à bout de souffle, déprimé et sans horizon, car réduit à réfléchir à court terme. Crispations et passages en force permanents, pouvoir de plus en plus solitaire, affaires… La chance de « Macky », à vrai dire, ce fut Wade lui-même.
« NTS » : nouveau type de Sénégalais. L’expression, inventée par les jeunes du mouvement Y’en a marre, fait actuellement florès. Elle signifie que tout et tout le monde doit changer. Indéniablement, même si rien ne garantit que les fruits passeront la promesse des fleurs, ce changement, plus radical qu’il n’y paraît, est en marche. Sans bruit ni fureur. Une sorte d’alternance dans l’alternance – ce qui pose la question de l’état réel du Parti socialiste -, tranquille et sereine. À l’image de « Macky », en somme, l’exact contraire de « Gorgui » : moins flamboyant ou charismatique, mais jeune (trente-cinq ans de moins que Wade, ce qui fait de lui le premier président sénégalais né après l’indépendance), relativement neuf (c’est sa première présidentielle), constant, pondéré et aimant travailler en équipe. Il aura surtout été le seul à comprendre qu’une élection, au Sénégal, est avant tout « physique ». Elle se passe sur le terrain, dans les meetings ou les villages, au plus près des électeurs, de Saint-Louis à Kédougou, en passant par Diourbel ou Tambacounda, jusqu’à la dernière minute. Une conquête entamée, discrètement et avec une poignée de fidèles, dès 2008, après son éviction du système Wade.
Investiture sobre, passation respectueuse, premier discours à la nation convaincant et applaudi par la majorité des Sénégalais, gouvernement intelligent, équilibré, mais sans concessions excessives à ses partenaires politiques, promesses de respecter ses engagements : ses premiers pas, très attendus et marqués du sceau de la sagesse, ont rassuré. Il règne même désormais à Dakar une douce euphorie. D’un extrême l’autre… L’avenir ? Si Macky sait rester lui-même, si le panier de crabes auquel nous a habitués la classe politique sénégalaise n’est plus qu’un mauvais souvenir et si les partenaires internationaux accompagnent vraiment ce pays sans grandes ressources, nul doute que ce nouveau départ portera ses fruits. The Economist pourra alors écrire « Lucky Senegal ».
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