Mines – Ghana : les conseils en or de Sam Jonah
Très écouté sur le continent, l’ancien président d’AngloGold Ashanti assiste les États dans la réforme de leur code minier et milite pour l’africanisation des multinationales.
À l’heure où nombre d’États africains révisent leur code minier, Sam Jonah, 62 ans, est très consulté. Celui que Kalaa Mpinga, patron de Mwana Africa, surnomme « le pionnier africain des mines » fréquente assidûment les milieux politiques ghanéen et sud-africain. Proche des anciens présidents John Kufuor et Thabo Mbeki, il invite les États à s’imposer face aux groupes miniers. « Le Ghana produit de l’or depuis près de un siècle… Et en dépit de cela, les mines pèsent moins de 2 % dans l’économie nationale. Ce n’est pas acceptable ! » affirme-t-il.
Véritable référence dans la profession, le « sage » est écouté pour la force de son discours et son parcours exemplaire. Natif d’Obuasi et géologue de formation, Sam Jonah a gravi tous les échelons d’Ashanti Goldfields, dont il est devenu le président en 1986. Faisant passer la production de la société de 240 000 à 1,6 million d’onces d’or par an, il a été l’un des principaux artisans de la fusion qui a abouti à la création, en 2004, d’AngloGold Ashanti, premier groupe aurifère du continent.
Profil
Né en 1949 à Obuasi (Ghana)
Diplômé de la Camborne School of Mines et de l’Imperial College (Royaume-Uni)
Président d’Ashanti Goldfields à partir de 1986, puis d’AngloGold Ashanti de 2004 à 2006
Fondateur du fonds d’investissement Jonah Capital
Recteur de l’université de Cape Coast (Ghana)
Il a par la suite dirigé Uramin (uranium, en Centrafrique et en Namibie) et Moto Goldmines (or, en RD Congo), avant de les revendre – l’un à Areva, l’autre à Randgold. Les polémiques sur le prix élevé (1,8 milliard d’euros) payé par le groupe nucléaire français, en 2007, pour acquérir Uramin le laissent de marbre. L’opération était un « coup » qui témoigne, selon lui, de sa capacité à vendre au bon moment : quand les cours – des minerais et de la société – sont au plus haut.
Pour que les Africains réussissent à tirer des mines le maximum de bénéfices, Sam Jonah a son idée : « Il faut suivre l’exemple de ce qu’ont fait le Nigeria et l’Angola dans le pétrole. Ils ont obligé les groupes internationaux à ouvrir largement le capital de leurs filiales locales aux investisseurs du pays, mais aussi à recourir à des sous-traitants nationaux. »
Transparence
Sir Jonah – il a été fait chevalier par Élisabeth II en 2003 – conseille toutefois d’agir avec délicatesse et transparence. « Il faut que les codes miniers soient complets, c’est-à-dire qu’ils couvrent tous les volets, de l’extraction de minerais jusqu’aux taxes et à l’environnement, rappelle-t-il. Mais en même temps, il faut laisser la place à une part de flexibilité et de dialogue entre l’État et les entreprises pour ajuster les choses en cas de fluctuation importante des cours. »
Il faut suivre l’exemple de ce qu’ont fait le Nigeria et l’Angola dans le pétrole.
Sam Jonah, qui a aussi la casquette de recteur de l’université de Cape Coast (sud du Ghana), prône enfin l’africanisation des cadres des multinationales. « Quand j’étais président d’AngloGold Ashanti, nous avions réussi à faire émerger des responsables africains de haut niveau. Mais aujourd’hui, ils restent encore ultraminoritaires. Avec l’essor minier, on observe un retour en force des expatriés face au manque de compétences locales », constate-t-il. Pour avancer sur ce sujet, il multiplie les interventions auprès d’étudiants, dans les universités ghanéennes, sud-africaines mais aussi britanniques. Il prêche également la bonne parole au sein des conseils d’administration de multinationales auxquels il participe, chez Vodafone et Standard Bank.
Désormais à la tête de Jonah Capital, un fonds d’investissement présent dans les mines, l’immobilier et l’agriculture, le Ghanéen reste un homme d’affaires actif : « Depuis 2006, je me positionne d’abord comme investisseur et non plus comme un opérationnel. » Son groupe détient un portefeuille de gisements en exploration au Liberia (fer), en Zambie (cuivre), au Botswana (charbon) et bien sûr au Ghana (or). De quoi préparer un prochain grand « coup » ?
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