Maroc Numeric Fund mise sur les jeunes pousses
Appuyé par l’État marocain, Maroc Numeric Fund, fonds dévolu aux nouvelles technologies, veut être plus actif. D’un portefeuille de sept sociétés aujourd’hui, il devrait passer à une quinzaine d’ici à la fin de 2013.
Un an et demi après sa création, Maroc Numeric Fund (MNF) fait mentir ceux qui lui avaient prédit le pire. Sur 130 dossiers étudiés, ce fonds marocain dévolu aux entreprises de nouvelles technologies en création a investi une vingtaine de millions de dirhams (1,8 million d’euros) dans sept start-up. Six investissements ont déjà été annoncés et un autre le sera bientôt.
Cela va des sites de commerce en ligne Soukaffaires (petites annonces) et Mydeal (achats groupés) au portail arabophone destiné à « la femme maghrébine » Majalatouki, en passant par la plateforme d’envoi et de gestion des factures Greendizer, le spécialiste de la sécurité informatique Netpeas et l’éditeur de logiciels de contrôle à distance (température, sécurité, etc.) Meolink. « D’ici à la fin de 2013, l’objectif est d’atteindre une quinzaine de participations », précise Ali Bassit, directeur général de MITC Capital, la société qui gère MNF.
À ce jour, les heureux élus ont reçu entre 2 millions et 5 millions de dirhams chacun. Des sommes modestes, certes, mais fondamentales pour les deux à trois premières années de vie de ces entreprises. « Le fonds nous donne une bonne assise financière, mais il est aussi un moyen de communication et nous apporte une crédibilité dans les affaires », souligne Marouane Benyekhlef, qui vient de fonder Meolink et a reçu en janvier 3,5 millions de dirhams.
MNF affiche de solides références. L’État marocain – via MITC, la structure qui gère le Technopark de Casablanca – et les banques BMCE, Attijariwafa, la Caisse de dépôt et de gestion et la Banque centrale populaire y ont souscrit et ont chacun nommé un représentant au sein du comité chargé d’investir – ou non – dans les dossiers sélectionnés par l’équipe de gestion.
Un tremplin pour les jeunes talents
Derrière les jeunes pousses sur lesquelles MNF mise, autant de modèles économiques différents et autant de jeunes entrepreneurs dont l’histoire, au Maroc ou à l’étranger, a séduit le fonds. Il y a « un véritable pool de talents », affirme Ali Bassit. MNF a d’ailleurs incité plusieurs créateurs chérifiens installés à travers le monde à localiser une partie de leurs activités dans leurs pays d’origine. Parmi ceux-ci, les fondateurs de Netpeas, dont un ancien de Texas Instruments, et ceux de Greendizer, qui allient compétences techniques et commerciales, avec des diplômes obtenus dans de grandes écoles françaises.
Les heureux élus ont reçu entre deux et cinq millions de dirhams chacun
« L’aventure est née à Paris, où nous conservons un bureau, mais nous avons décidé de nous repositionner au Maroc, explique Hamza Bernoussi, de Greendizer. Les coûts y sont inférieurs pour le développement, mais aussi pour les bureaux. Nous brûlons donc moins de cash. » Netpeas, de son côté, a un pied à Palo Alto, en Californie, la Mecque mondiale de l’innovation, et l’autre au Technopark de Casablanca. De fait, dans le portefeuille de MNF, le lien avec l’international n’est jamais très loin. Les fondateurs de Meolink, de Soukaffaires, de Mydeal et de Majalatouki ont tous travaillé en France et exercé des postes à responsabilité dans des groupes tels que La Dépêche du Midi (presse), Orange (télécoms) ou Société générale (banque).
« MNF a inventé le capital-risque au Maroc. Jusqu’à sa création, personne ne finançait des projets sur business plan », rappelle Mohamed Attahri, cofondateur de Greendizer et l’un des premiers bénéficiaires des investissements de MNF (5 millions de dirhams), fin 2010. Alors que les sociétés de capital-développement – qui misent sur des sociétés matures – sont désormais légion au Maroc, les jeunes entreprises en général et celles des nouvelles technologies en particulier ne savaient pas réellement à quelle porte frapper pour financer leurs premiers pas, malgré l’existence de quelques structures comme le fonds Sindibad (créé en 2002) ou Dayam (2007). « Le capital-investissement marocain dispose de 7,7 milliards de dirhams sous gestion. Le capital-risque ne concentre même pas 5 % des fonds levés », explique Khalil Azzouzi, directeur général de Dayam et de Sherpa Finance, deux structures lancées par Moulay Hafid Elalamy, fondateur du groupe Saham (finance, offshoring, santé).
Un bilan encourageant
Pas ou peu de chiffre d’affaires et des pertes probables sur les premières années ; et donc, au final, un fort risque de mortalité : autant d’inconvénients qui dissuadent en général les investisseurs professionnels, tandis que les diplômés marocains préfèrent souvent se caser dans une grande entreprise locale plutôt que de créer leur société. « Ce qui manque désormais, c’est une véritable success story sur laquelle capitaliser », souligne Ali Bassit. Pour les start-up sélectionnées par MNF, l’aventure ne fait que commencer… Il leur faudra encore quelques centaines de milliers d’euros, voire quelques millions, pour la poursuivre.
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Frédéric Maury, envoyé spécial à Casablanca
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