Amara Benyounes : « Il n’y aura pas de super vainqueur aux législatives algériennes »
Pour le secrétaire général du Mouvement populaire algérien, Amara Benyounes, les modernistes doivent travailler ensemble. Il appelle même à la formation d’une alliance démocratique au Maghreb.
Des élections pour changer l’Algérie ?
Avec l’assurance d’un vieux routier de la politique, Amara Benyounes, 54 ans, secrétaire général du Mouvement populaire algérien (MPA, ex-Union pour la démocratie et la république, UDR), revient sur le devant de la scène. Cet économiste, ancien membre du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), ex-ministre des Travaux publics, puis de la Santé, a participé à la campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika en 2009. De passage à Tunis début mars pour rencontrer les leaders des partis modernistes et lancer une opération séduction de la diaspora, il a commenté la présence des islamistes en politique au Maghreb.
Jeune Afrique : Comment analysez-vous le relatif revers des modernistes en Tunisie et au Maroc ?
Amara Benyounes : Ils ont fait la même erreur que nous en 1991 lorsque, avec le RCD, nous avions mis la laïcité en avant, sans en évaluer l’impact. Ce concept est mal compris et mal admis dans la région.
Les partis démocrates doivent réajuster leur discours. Certes, on ne peut en évacuer l’idéologie, ce sont les valeurs mêmes d’un parti. En revanche, il faut présenter des propositions concrètes et des solutions aux attentes de la population. Un discours uniquement conceptuel assimile les politiques à une élite détachée des réalités.
Notons tout de même que les moyens des démocrates sont dérisoires par rapport à ceux qui reçoivent des chèques des royaumes pétroliers.
Vous n’employez pas le mot "islamiste" ?
Je n’utilise que le terme « fondamentaliste ». L’islam est à nous autant qu’à eux. Nous sommes de vrais musulmans, nés d’une religion pacifique. Ce sont des politiques qui, sous le voile de la religiosité, veulent le pouvoir.
Quel serait le rempart contre l’intégrisme religieux ?
L’islam. Celui, ouvert et tolérant, des pays maghrébins. La société algérienne est profondément pieuse. Les intégristes ne vivent pas dans leur temps, alors que l’histoire des peuples, elle, va de l’avant. L’autre rempart est la force des femmes, premières concernées par les dégradations sociales induites par l’extrémisme.
Nous ne faisons pas face à des partis religieux, mais à une internationale islamiste
Que proposez-vous pour le Maghreb ?
Nous devons constituer une alliance démocratique et mettre en synergie nos partis et sociétés civiles. Il n’y a pas de solution individuelle, et il faudrait que l’Union du Maghreb arabe (UMA) soit plus qu’un syndicat de chefs d’État. L’Algérie pourrait être un moteur, mais, seule, elle n’aurait aucun effet dynamique.
À la différence du Maroc ou de la Tunisie, elle vit avec l’intégrisme depuis vingt ans. Doha ou Riyad n’amèneront pas la démocratie. Au Maghreb, nous faisons face non pas à des partis religieux, mais à une internationale islamiste qui emploie la même stratégie et les mêmes slogans. Il nous faut adopter une démarche commune et unifier toutes les forces progressistes et modernistes.
Quels sont les dangers pour les législatives algériennes ?
Pour ce scrutin déterminant, le grand ennemi du camp démocratique reste l’abstention, qui pourrait profiter aux partis religieux. En décembre 1991, lors du premier tour des législatives pluralistes [annulées, NDLR], le Front islamique du salut (FIS) avait raflé plus de 80 % des sièges, avec près de 48 % des suffrages et une participation de seulement 38 %. Cette année, le corps électoral algérien compte 21 millions de citoyens, dont une dizaine de millions de jeunes appelés à voter pour la première fois. Ces derniers et les femmes doivent se faire entendre. La participation doit être massive.
Que prévoyez-vous le 10 mai ?
Il n’y aura pas de supervainqueur. Aucun parti n’aura une large avance et ne pourra exercer son hégémonie. Trois options sont possibles : soit une majorité de partis démocratiques, soit une majorité de partis intégristes, ou une totale atomisation. D’où l’absolue nécessité, dès à présent, de se concerter et de composer.
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Propos recueillis à Tunis par Frida Dahmani
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