En Algérie, dissolution du RAJ, une ONG emblématique du Hirak

La dissolution de l’organisation de jeunesse RAJ et la suspension des activités d’un parti de gauche, le MDS, marquent une nouvelle étape dans l’affaiblissement général des forces d’opposition en Algérie.

Abdelouahab Fersaoui, leader du RAJ, lors de sa libération de la prison d’El Harrach, à Alger, le 18 mai 2020. © AFP. (Photo by RYAD KRAMDI / AFP)

Publié le 27 février 2023 Lecture : 3 minutes.

Le Conseil d’État a confirmé, ce jeudi 23 février, la dissolution définitive de la principale association de la jeunesse algérienne – le Rassemblement actions jeunesse (RAJ) – qui avait été à la pointe du Hirak ayant conduit à la démission de Abdelaziz Bouteflika. La haute juridiction administrative confirme ainsi la sanction prononcée en première instance par le tribunal d’Alger, en octobre 2021, à la suite d’une requête du ministère de l’Intérieur.

Le RAJ, actif sur le terrain depuis 1993 pour promouvoir les activités culturelles et les droits humains, s’est vu sanctionné « pour violation de la loi sur les associations et des activités en contradiction avec les objectifs énumérés dans les statuts », et ses liens avec des partis politiques et des associations étrangères. L’ONG rejette quant à elle ces accusations « fondées essentiellement sur les activités publiques de l’association durant le mouvement populaire » et qualifie ses actions de « compatibles » avec « son mandat d’association œuvrant à la promotion de l’implication des jeunes dans la gestion de la cité ».

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Un coup dur contre la liberté d’association

Amnesty International a immédiatement réagi, qualifiant cette décision de « coup dur porté au droit à la liberté d’association garanti par la Constitution ». La dissolution d’une association « peut être prise uniquement lorsqu’il existe une menace claire et imminente contre, par exemple, la sécurité nationale ou l’ordre public, et doit être utilisée en dernier recours », poursuit l’organisation internationale.

En raison de son engagement, les activités de l’association n’étaient plus tolérées depuis octobre 2019. Onze de ses membres ont été poursuivis en justice, dont neuf ont été incarcérés pour publication « de documents de nature à nuire à l’intérêt national » et « atteinte à l’intégrité du territoire national ». Certains d’entre eux ont été relaxés à l’issue de leurs procès, quand d’autres ont écopé de peines avec sursis.

Le président du RAJ, Abdelouahab Fersaoui, 41 ans, avait quant à lui été placé sous mandat de dépôt en octobre 2019. Accusé d’« atteinte à l’intégrité du territoire » et d’« incitation à la violence », il a purgé sept mois de détention avant d’être libéré en mai 2020 après sa condamnation en appel à un an de prison dont six mois avec sursis.

Sous la direction d’Abdelouahab Fersaoui, l’ONG a pesé dans l’organisation de la conférence qui a réuni un grand nombre d’acteurs politiques et de la société civile actifs dans le mouvement populaire de contestation pour capitaliser les deux ans du Hirak, susciter la jonctions des énergies et sortir avec une feuille de route commune.

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Le 23 février, le Conseil d’État a également prononcé la suspension du Mouvement démocratique social (MDS) de toute activité, avec fermeture de ses locaux. Le siège de cette formation politique de gauche, situé dans le centre d’Alger, avait coutume d’accueillir des rencontres d’activistes et de militants qui, empêchés de se retrouver dans des espaces assujettis à une autorisation préalable de l’administration, avaient pris l’habitude de solliciter l’aide des partis d’opposition comme le MDS et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD).

« Remise en question brutale des acquis démocratiques »

« Avec le gel des activités du MDS et la fermeture de ses locaux, ainsi que la dissolution du RAJ, le système politique cherche un moyen de sortir de la crise en tuant la vie politique », commente le porte-parole de ce parti, Fethi Ghares, condamné à deux ans de prison le 9 janvier 2021 pour « outrage à corps constitués », « atteinte à la personne du président de la République » et « diffusion au public de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national et à l’unité nationale ».

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Des chefs d’inculpation qui reposent sur les publications de Fethi Ghares sur le réseau social Facebook et sur des échanges privés extraits de son téléphone. Le porte parole du MDS avait finalement été libéré en mars 2022, au bout de neuf mois de détention, après d’une réduction de sa peine en appel.

Réagissant aux sanctions prises le 23 février, le RCD estime de son côté que « les décisions du Conseil d’État confirment une remise en question brutale des acquis démocratiques arrachés de haute lutte » et ne « pourront que fragiliser le pays et démobiliser la collectivité nationale ».

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