Maroc – Écosse : du bon usage des spectres
Je reviens du Maroc, où des niais m’ont assuré qu’une bande de diablotins hantaient les sous-sols d’un grand mall de Casablanca. Bande de benêts : les jnoun, ça n’existe pas, ça n’a pas plus de réalité que les ogres des contes pour mômes, c’est pas plus vrai que le père Noël. Cette rumeur de fantômes dans les sous-sols d’un big magasin, c’est évidemment un coup monté : soit par des concurrents grincheux ; soit par des oisifs qui s’ennuient ; soit par des employés qui ne veulent pas travailler la nuit – ou qui veulent se faire payer double, avec prime de risque, parce que côtoyer des jnoun, y a sans doute des risques…
Cela dit, on pourrait peut-être tirer profit de cette prétendue invasion de trolls, en imitant l’Écosse. Eh oui, l’Écosse ! Le pays du whisky a monté une branche florissante de tourisme axée sur la visite de châteaux hantés. J’en ai d’ailleurs visité un, il y a quelques années, à Inverness. Je vous assure que ce n’était pas donné : plus de 100 livres la nuit, pour dormir, certes, dans un lit à baldaquin – mais il faisait un froid de gueux ! Comme je me plaignais le lendemain – le laird (c’est comme cela qu’on nomme le seigneur du château en Écosse), le laird me rétorqua qu’il était impossible de chauffer un château de quarante pièces. Et le fantôme, dites-vous ? On entendit, au plus sombre de la nuit, quelques halètements, quelques gémissements – mais je crois que c’était le vent qui s’engouffrait dans la cheminée, ou bien le laird en pleine épectase. Avec un peu de bonne volonté, on pouvait croire que c’était le spectre de son arrière-grand-père qui venait tirer les visiteurs par les orteils – mais bon, il n’était pas méchant. Le lendemain, je suis allé voir le monstre du loch Ness, qui n’apparut pas plus que l’ectoplasme. Tout cela fait marcher le tourisme.
Sur ce modèle, et puisque nous avons besoin de devises, pourquoi ne pas engager tous ces jnoun qui ne servent à rien ? (Franchement, vous vous êtes déjà posé la question : à quoi servent les jnoun ?). Pourquoi ne pas les embaucher au ministère du Tourisme, qui pourrait les payer en monnaie de singe ou en billets de Monopoly ? Le ministère du Tourisme les dispatcherait dans toutes les kasbahs du pays, les riads de Marrakech et les palais de Fès et on ferait payer très cher la nuit, petit déjeuner et djinn inclus, aux touristes amateurs de sensations fortes.
On ferait évidemment cracher un supplément aux touristes qui voudraient une jennia à la place du djinn – et comme on m’assure qu’il y a des jennia qui arrivent à se faire épouser, ce serait tout bénéfice pour le pays. Il nous suffirait de marier mille jennia locales à des Allemands ou à des Américains pour avoir chaque mois de confortables rentrées de devises. Je donne cette idée gratuitement, en bon citoyen, au ministère du Tourisme – qui devrait changer de nom et se nommer dorénavant ministère du Tourisme et de la Rentabilité des jnoun…
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