Quand Alger ménage la chèvre russe et le chou ukrainien
Perçue comme une alliée privilégiée de Moscou, l’Algérie annonce la réouverture de son ambassade à Kiev « dans les plus brefs délais ».
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 27 février 2023 Lecture : 2 minutes.
Pour être courtisés par un camp sans être conchiés par un autre, différents pays africains, chacun sur sa ligne, cultivent leur non-alignement dans la crise ukrainienne, choisissant, par exemple, l’abstention argumentée ou la politique de la chaise vide, lors de certains votes aux Nations unies. Lorsque ces pays du Sud décident de ne pas condamner frontalement la Russie, il leur faut donner quelques gages au camp occidental, comme le ministre sud-africain des Finances qui affirmait, en marge du récent sommet du G20 Finances de Bangalore, que l’amitié « avec la Russie ne signifiait pas » que Pretoria est « pour la guerre ».
Manifestement conscient que les preuves d’amour doivent accompagner les déclarations d’affection, le ministre algérien des Affaires étrangères a annoncé, ce dimanche par communiqué, la décision de rouvrir l’ambassade d’Algérie à Kiev, après une fermeture d’un an « en raison de la détérioration des conditions de sécurité dans ce pays ». Le texte confirme ainsi une déclaration du président Abdelmadjid Tebboune, vendredi soir, lors d’une rencontre télévisée avec la presse locale.
Gage de non-belligérance
Dirigée par un chargé d’affaires, la représentation en Ukraine sera de nouveau opérationnelle, pour « la sauvegarde des intérêts de l’État algérien dans ce pays ainsi que ceux de la communauté nationale » et ceci « dans les plus brefs délais ». À destination des personnes sardoniques qui ne manqueront pas de surligner la proximité diplomatique de l’Algérie avec la Russie, le texte de l’annonce précise que les rapports d’Alger avec l’Ukraine sont « ordinaires ». Et le chef de l’État de court-circuiter un débat sur les relations algéro-russes en qualifiant ces dernières de « connues de tous ».
Alger n’a jamais caché le volume de ses échanges commerciaux avec Moscou – trois milliards de dollars en 2021 –, la qualité de la coopération dans le cadre de l’Opep+ (organisation regroupant 23 pays producteurs de pétrole), le suivi des relations dans le cadre du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) et la nature de la collaboration militaire. Même si les autorités auraient tenté de minimiser la médiatisation de récents exercices militaires, notamment les manœuvres conjointes « Bouclier du désert », dans le sud-ouest de l’Algérie.
Selon plusieurs sources internationales, Alger serait le troisième importateur d’armes russes dans le monde. Moscou serait le premier fournisseur de l’armée algérienne en armes et en systèmes militaires. Un an après le début de l’agression de la Russie de Vladimir Poutine en Ukraine, une ambassade à Kiev, sans ambassadeur, est un gage de non-belligérance qui ne coûte pas cher.
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