Tchad : N’Djamena réanimée
Après des années de guerre, la capitale tchadienne est méconnaissable. De nouveaux bâtiments, de nouvelles rues apparaissent. Mais les habitants de N’Djamena, étranglés par le coût de la vie, en profitent-ils vraiment ?
Tchad : après la tempête, s’ouvrir au monde
En cette chaude soirée de février, les mobylettes filent, soulèvent des nuages de poussière, chevauchées par des N’Djamenois tout sourire. Plusieurs s’arrêtent pour rejoindre des camarades. À la terrasse des cafés, on écoute de la musique, on rit, on discute à bâtons rompus. Autour de la place de la Nation, les bandes de copains s’installent devant des écrans géants pour regarder Télé Tchad, la télévision nationale. La ville est comme réanimée.
Pelles et pioches
Quelques heures plus tard, aux premières lueurs du soleil, la capitale se montre au grand jour. Et, après des années de guerre quasi permanente depuis son indépendance, elle est méconnaissable. Le dernier événement marquant date de février 2008 : l’attaque de 2 000 rebelles venus du Darfour avait partiellement détruit N’Djamena. Quatre ans plus tard, les treillis et les armes ont disparu, cédant la place aux pelles et aux pioches.
Partout, de nouveaux bâtiments, de nouvelles rues sortent de terre. Une soixantaine de kilomètres de routes sont construits chaque année dans la capitale (et 3 000 km dans l’ensemble du pays). Chaque ministère a droit à un nouveau siège, le palais présidentiel est en rénovation. Et les programmes de logements sociaux fleurissent.
« L’image de N’Djamena devait évidemment être changée, explique Issa Adjideï, maire par intérim de la ville. Grâce aux fonds du pétrole, nous reconstruisons le Tchad. » Toutefois, si la ville s’étend à vitesse grand V, c’est souvent sur des terrains inondables et de manière anarchique, puisqu’elle ne s’est toujours pas dotée de schéma directeur. « Il est actuellement sur la table, assure Issa Adjideï. Les grands projets, tels que les logements sociaux, répondent à un plan d’urbanisme, et, même s’il est encore informel, c’est un début. »
Trop chère !
N’Djamena est la troisième ville la plus chère du monde pour les expatriés, après Luanda et Tokyo, selon le classement Mercer de juillet 2011. En revanche, elle est presque dernière en ce qui concerne la qualité de vie.
Le problème est que, en attendant, chacun s’est installé où il voulait, sans aucun contrôle. Or la mairie dispose d’un droit d’expropriation. Alors, maintenant que le calme et les moyens sont là, pour récupérer ses terrains et lancer de nouveaux chantiers, elle a démoli de nombreuses maisons au cours d’opérations de déguerpissement. En compensation, selon la mairie, une somme d’argent est accordée à chaque habitant, assortie d’une promesse de relogement dans un autre quartier. L’élargissement des routes a quant à lui entraîné la destruction de nombreuses façades, rafistolées tant bien que mal avec des morceaux de tôle ou des nattes. « La somme allouée en dédommagement n’est pas suffisante pour faire de vrais travaux », déplore un N’Djamenois.
Inertie
Il faut dire que les salaires sont bien bas. En quelques années seulement, les prix des produits alimentaires et du carburant ont flambé, faisant de N’Djamena l’une des villes les plus chères au monde. « Nous importons beaucoup de produits de première nécessité, du Cameroun notamment, et les coûts de transport sont excessivement élevés, dit El Hadj Daouda Adam, secrétaire général de l’Association pour la défense des droits des consommateurs. La cherté de la vie est devenue insoutenable. »
La mairie a détruit de nombreuses maisons au cours d’opérations de déguerpissement.
Face à cette situation, les fonctionnaires ont engagé un bras de fer avec le gouvernement, auquel ils reprochent son inertie. En septembre et octobre, ils ont soutenu une grève générale de trois semaines pour réclamer une augmentation de leur traitement. Ils ont eu gain de cause : le salaire minimum est passé de 30 000 à 70 000 F CFA (de 46 à 107 euros). En outre, un décret présidentiel du 12 novembre prévoit que les salaires augmenteront progressivement de 20 % à 40 % jusqu’en 2014.
D’autres défis attendent les N’Djamenois, notamment en matière de protection de l’environnement et de développement durable, dont beaucoup ne mesurent pas encore tous les enjeux. D’où les campagnes de sensibilisation lancées par la mairie, relatives à la gestion des eaux usées, à l’interdiction des sacs en plastique (lire ci-contre) ou encore aux « blanchisseurs » qui, en faisant la lessive dans le fleuve Chari, le polluent chaque jour un peu plus – des buanderies publiques doivent être construites prochainement pour remédier au problème. Déjà, un système d’égouts a été créé. Et quelques espaces verts fleurissent çà et là dans la ville. Enfin, N’Djamena va pouvoir respirer.
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