Macron évoque l’affaire Bouraoui, mais minimise le « coup de grisou » entre Alger et Paris

Interrogé, lors de la conférence consacrée ce 27 février à sa nouvelle politique africaine, sur le coup de froid entre l’Algérie et la France après « l’affaire Bouraoui », le président français s’est dit confiant dans la solidité de la relation, évoquant sans les nommer ceux qui auraient intérêt à la saborder.

Le président français Emmanuel Macron avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, à l’aéroport d’Alger, le 27 août 2022. © APP/NurPhoto via AFP

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Publié le 28 février 2023 Lecture : 4 minutes.

Il aura fallu attendre 22 jours après l’éclatement de « l’affaire Amira Bouraoui » pour qu’Emmanuel Macron s’exprime officiellement sur le sujet. Lundi, à l’occasion d’un discours consacré à la politique africaine de la France, le président français a parlé d’un « coup de grisou », accusant des parties en Algérie de saboter les relations entre Paris et Alger.

« Il y a eu une polémique sur le retour en France d’une Franco-Algérienne depuis la Tunisie, avec aussi beaucoup de choses qui ont été racontées et un discours qui s’est construit », a expliqué le président français, évoquant, sans citer le nom de l’intéressée, la militante dont l’accueil en France, après un passage par la Tunisie, a provoqué des dommages collatéraux sur une relation bilatérale qui semblait au beau fixe depuis le voyage officiel d’Emmanuel Macron à Alger, en août 2022.

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Lundi 6 février, la militante Amira Bouraoui avait quitté Tunis pour Lyon après avoir fui clandestinement son pays, où elle était interdite de sortie du territoire à la suite d’une double condamnation par la justice. Sous la menace d’une expulsion vers l’Algérie, cette gynécologue a pu bénéficier de la protection consulaire française après l’intervention de l’ambassade de France à Tunis auprès du président tunisien Kaïs Saïed et de sa Première ministre.

Alger avait violemment réagi à cette affaire en évoquant l’exfiltration clandestine et illégale d’une ressortissante algérienne avec le concours des « personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’État français ». Pour étayer ces accusations de connivence des services secrets français, les médias algériens ont fait état de la présence à l’aéroport de Lyon d’un colonel de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) afin d’organiser l’arrivée d’Amira Bouraoui. Point culminant de cette affaire qui a provoqué une énième crise diplomatique entre les deux pays, la présidence algérienne a procédé au rappel pour consultation de son ambassadeur à Paris, Saïd Moussi, qui n’a pas encore regagné son poste.

« Je vais continuer »

Sans pour autant les nommer, Emmanuel Macron affirme qu’il y a des parties ou des intérêts en Algérie qui mènent un travail de sape et de sabotage pour empêcher le réchauffement des relations franco-algériennes. « Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie n’aboutisse pas », a ainsi indiqué le président français. Qui sont ces gens et à quels niveaux de responsabilités se situent-ils  ? Sont-ils dans l’entourage du président Abdelmadjid Tebboune  ? Au sein des services secrets algériens ou de l’armée  ? Dans les médias officiels  ?

À l’évidence, Macron en sait beaucoup mais se garde d’identifier clairement ceux qui sapent le travail qu’il mène avec les autorités algériennes pour normaliser et dépassionner les relations entre Paris et Alger. « Eh bien j’ai un message très simple : je vais continuer, ce n’est pas le premier coup de grisou, j’en ai déjà eu, mais il faut continuer ainsi, humblement, honnêtement », a-t-il poursuivi. Emmanuel Macron, qui a salué des avancées dans ces relations, notamment la visite récente en France du chef d’état-major de l’armée Saïd Chengriha ou encore l’« énorme travail sur la mémoire », ajoute qu’il sait « pouvoir compter sur l’amitié et l’engagement du président Tebboune ».

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Il n’en demeure pas moins que l’affaire Amira Bouraoui et le rappel de l’ambassadeur algérien ont provoqué des dégâts considérables entre Paris et Alger. C’est d’autant plus vrai que le président algérien s’est gardé d’évoquer ce sujet, ainsi que les relations algéro-françaises, au cours d’une récente interview accordée à des médias locaux, alors qu’il ne manque habituellement aucune occasion de souligner l’embellie de ces relations, ainsi que l’amitié qui le lie à son homologue français.

Vingt jours après le rappel de l’ambassadeur algérien, presque tous les canaux de dialogue, de concertations et d’échanges entre responsables algériens et français sont suspendus. Jusqu’à la semaine dernière, les deux présidents ne se sont pas parlés au téléphone, alors que les contacts entre le Quai d’Orsay et le MAE algérien sont également en suspens.

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« Nous n’avons presque plus de contacts avec les Algériens  », indique une source diplomatique française, qui précise que des messages diplomatiques ont été envoyés pour récuser la version officielle d’une opération d’exfiltration organisée par Paris, ainsi qu’une prétendue implication des services secrets français dans la fuite d’Amira Bouraoui.

La déclaration publique de Macron et sa volonté réitérée de continuer le travail de normalisation seront-elles de nature à désamorcer cette crise  ? Il faudra attendre le retour de l’ambassadeur d’Algérie à Paris pour voir les signes tangibles d’une désescalade.

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