Tchad : l’éternel second rôle féminin
Les récentes campagnes électorales n’ont vu émerger que très peu d’élues. Pourtant, les Tchadiennes s’activent pour peser dans le paysage politique et participer au développement du pays.
Tchad : après la tempête, s’ouvrir au monde
Déterminées à avoir leur mot à dire, les Tchadiennes ont encore beaucoup de difficultés à émerger sur la scène politique. Lors de la formation du nouveau gouvernement, en août 2011, c’est la déconvenue. Elles n’y sont plus que quatre (contre neuf dans le précédent) : trois ministres, Fatimé Issa Ramadane (Action sociale, Famille et Solidarité nationale), Yakoura Malloum Alwihda (Microcrédits en faveur de la promotion de la femme et de la jeunesse) et Amina Kodiyana (Droits de l’homme et Libertés fondamentales) ; et une secrétaire d’État, Ruth Tédébé (Affaires étrangères et Intégration africaine). Alors que les femmes représentent 52 % de la population, la parité, qui semblait sur la bonne voie, régresse ; et la cause des Tchadiennes évolue en dents de scie.
Atout du nombre
En 2007, en faisant de la promotion des femmes l’une des priorités de son troisième mandat, le président Idriss Déby Itno avait pourtant promis que les Tchadiennes seraient représentées à hauteur de 30 % dans les hautes instances de décision, gouvernement compris. « Il n’y a jamais eu de véritable parité, mais une promotion du genre, dit la féministe Khadidja Toloumbaye, directrice de publication du mensuel tchadien Horizon femmes. Il y a un décalage entre les discours et les faits. »
En politique, les Tchadiennes restent en effet cantonnées aux rôles de second plan. Les campagnes électorales ne voient émerger ni élues ni cadres féminins. Alors qu’elles ont leurs propres organisations au sein de chaque parti et qu’elles mobilisent – avec un certain succès – la population autour de leurs candidats, elles n’en influencent pas la ligne politique. Très nombreuses parmi les militants, elles n’utilisent malheureusement pas cet atout du nombre pour faire basculer les orientations politiques en leur faveur.
Le code de la famille dort d’ailleurs toujours dans les tiroirs. « Si nous avons du retard, c’est aussi, sans doute, parce que peu de Tchadiens en connaissent le contenu. Un travail de sensibilisation auprès des populations doit impérativement être fait », reconnaît Allamine Bourma Amina Atché, vice-présidente du Conseil constitutionnel et membre du bureau politique du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir).
Bien que le temps semble encore loin où une candidate se présentera à la présidentielle, les femmes n’hésitent pas à briguer d’autres mandats. Pour les communales de janvier, elles avaient peu de chances de remporter des sièges, puisque aucune n’était en tête de liste. Les résultats ont été plus concluants lors des législatives de 2011 : sur 188 sièges, 28 femmes ont été élues à l’Assemblée (soit 14,9 % des sièges), contre seulement neuf sur 155 en 2002 (soit 5,8 %). « Cela est dû à une prise de conscience progressive, même s’il n’y a pas encore d’organisations féministes en tant que telles », analyse Achta Saleh Damane, vice-présidente du Haut Conseil de la communication.
Pesanteurs culturelles
Si elles osent aujourd’hui s’affirmer, c’est aussi parce que d’autres femmes avant elles ont ouvert la voie. Bourkou Louise Kabo a été la première Tchadienne élue à l’Assemblée nationale, en 1962 ; Fatimé Kimto, la première femme ministre, en 1984 ; et Bintou Malloum, la première énarque et ambassadrice, en 1997. Dès les années 1980, les Tchadiennes se sont battues pour plus de reconnaissance et, malgré son instabilité, le pays a vu émerger une élite féminine hautement diplômée à des postes à responsabilités.
Pour les communales de janvier, aucune candidate n’était en tête de liste
Mais un long chemin reste à parcourir. Aujourd’hui, en milieu tant rural qu’urbain, c’est encore dans le secteur informel que les Tchadiennes sont le plus nombreuses. Dans une société patriarcale, le déficit d’alphabétisation des filles et les mariages précoces sont autant de pesanteurs culturelles qui entravent leur émancipation, ne serait-ce que dans leur carrière professionnelle.
La Semaine nationale de la femme tchadienne, organisée chaque année en mars, est l’occasion d’aborder ces tabous à travers des conférences et des débats. Avec de bonnes intentions qui sont encore loin d’être la règle au quotidien. « Les femmes sont considérées comme inférieures dans la société et donc se sous-estiment, souligne Khadidja Toloumbaye, de Horizon femmes. Leurs capacités doivent impérativement être renforcées, afin qu’elles puissent participer pleinement au développement du pays. »
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