Tchad : frustrations dans l’opposition
Ils ont fait front commun aux élections locales de janvier. Aujourd’hui, les membres de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution sont persuadés que la majorité tchadienne veut, par tous les moyens, les intimider.
Tchad : après la tempête, s’ouvrir au monde
À peine apaisées après la contestation des élections locales du 22 janvier, les relations entre le pouvoir et l’opposition tchadienne sont à nouveau tendues. Ce froid est consécutif à l’arrestation, le 4 mars, du député Gali Ngothé Gatta, chef de file de l’Union des forces démocratiques-Parti républicain (UFD-PR, opposition), pour complicité de braconnage, tentative de corruption et détention illégale d’arme.
Incarcéré sans que son immunité parlementaire soit levée (on parle de « flagrant délit »), l’intéressé a été condamné à un an de prison ferme et à une amende de 200 000 F CFA (305 euros). Pour le député Salibou Garba, leader de l’Alliance nationale pour la démocratie et le développement (AND, opposition) et rapporteur de la Coordination des partis politiques pour la défense de la Constitution (CPDC), « les circonstances de cette arrestation ainsi que l’acharnement du gouvernement tendent à accréditer la thèse d’une persécution ».
Ultraminoritaire à l’Assemblée nationale (sur 188 sièges)
D’aucuns pensent en effet que l’affaire Gali Ngothé Gatta est un règlement de comptes dont l’instigateur serait l’actuel président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, par ailleurs secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir). Kabadi n’aurait pas digéré l’élection de Gali dans la même circonscription que lui (il n’y avait que deux sièges). Raison pour laquelle il chercherait à l’« humilier ».
Le président de l’Assemblée nationale dément. « C’est normal que l’opposition se mette à crier, reconnaît-il. Mais j’ai la conscience tranquille. D’abord, une élection est une compétition. Si on ne peut pas remporter tous les sièges, on en gagne au moins une partie. C’est ce qui s’est passé entre Gali Ngothé Gatta et moi. Cela dit, je ne vois pas quel intérêt je tirerais de son arrestation. Les actes qui lui sont reprochés sont avérés. Si la justice ne peut plus faire son travail, où allons-nous ? »
Ce n’est pas la première fois que la majorité et l’opposition sont à couteaux tirés. Avant les élections locales, l’affaire Saleh Kebzabo a défrayé la chronique. Le chef de file de l’opposition, dont le parti, l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), compte dix députés, est accusé, par la veuve d’un chef de village, d’avoir diffamé son mari, assassiné dans la région de Léré (Sud-Est). Les députés de la majorité en ont profité pour statuer sur la levée de son immunité parlementaire. Cette décision est suspendue à l’enquête que doit mener sur le terrain une commission ad hoc dirigée par le président de l’Assemblée nationale. « C’est la législature la plus exécrable que le Tchad ait connue, estime Saleh Kebzabo. L’Assemblée a perdu son autonomie par rapport au pouvoir exécutif. »
Solidaires
Depuis les élections locales, les premières du pays, où elle s’est présentée sur des listes communes, l’opposition tchadienne semble avoir retrouvé une certaine cohésion. L’époque où, dans le cadre de l’accord politique du 13 août 2007, une partie de l’opposition avait rejoint le gouvernement tandis que l’autre se tenait à l’écart, est apparemment révolue. « Même si chacun continue de prêcher pour sa chapelle, nous restons avant tout solidaires et sommes d’accord sur l’essentiel », assure Salibou Garba. L’essentiel, c’est notamment la CPDC, dont Saleh Kebzabo est le porte-parole adjoint. Globalement, les opposants pensent que c’est un bon cadre de concertation.
Toutefois, les échéances électorales désormais passées, faut-il garder la CPDC, la dissoudre ou lui donner un autre nom ? Les avis sont partagés. Pour les uns, la défense de la loi fondamentale est toujours d’actualité au Tchad. Ils proposent une restructuration de la CPDC, quitte à lui trouver une autre dénomination et à l’ouvrir à d’autres partis. Pour les autres, la défense de la Constitution actuelle n’est plus à l’ordre du jour. Une position qu’ils justifient par le fait que tous les élus – président, députés, conseillers municipaux – l’ont été sur la base de cette Constitution.
Avec seulement une trentaine de députés sur 188, l’opposition tchadienne doit attendre encore jusqu’en 2015 pour voir si elle peut changer la donne et renverser la forteresse du MPS et de ses alliés. L’exercice sera difficile, même si Kebzabo se risque à avancer que, « dans trois ans, les élections seront différentes de celles de 2011 ». En attendant, l’opposition a encore des batailles à gagner. Celle de son statut officiel, qu’elle attend toujours, et celle de l’aide que l’État doit accorder aux partis afin qu’ils jouent leur rôle dans le fonctionnement de la démocratie.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Tchad : après la tempête, s’ouvrir au monde
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...