Tchad : génèse d’une nation
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 6 avril 2012 Lecture : 2 minutes.
Tchad : après la tempête, s’ouvrir au monde
On ne juge pas d’un patient en chirurgien myope muni d’instruments de labour, au risque de poser un faux diagnostic. Il faut ouvrir une fiche et consulter ses antécédents. Ainsi en va-t-il du Tchad, dont un ancien président français, Jacques Chirac, croyait avoir découvert la clé de tous les problèmes en expliquant qu’il était « un espace délimité par la frontière de ses voisins ».
Un espace… Autant dire un accident historique, issu d’une diplomatie de la règle et du crayon qui aurait pu tout aussi bien cadastrer la Lune. Le résultat d’un jeu de hasard puisque à Berlin, en 1885, les puissances coloniales se partagèrent des morceaux de territoires dont nul ne savait, souvent, ce qu’ils contenaient.
Suivirent soixante-dix années de colonisation. Soixante-dix années de désintérêt, avec une administration de maintien de l’ordre qui favorisa la seule zone rentable à ses yeux – le Sud cotonnier -, au point d’inverser le déséquilibre précolonial au détriment du Nord. L’indépendance enfin, livrée en 1960 sans mode d’emploi à des cadres inexpérimentés, comme on livre un cadeau empoisonné.
Le puzzle tchadien, longtemps disjoint, commence à prendre les allures d’une mosaîque d’ensemble.
Comment être nationaliste dans un pays défini par des étrangers ? Pendant près d’un demi-siècle, cette question va demeurer, au Tchad, sans réponse. La première rébellion a éclaté cinq ans après l’indépendance, la dernière s’est éteinte il y a à peine quatre ans. Entre-temps, les armées française et libyenne ont fait du Tchad leur bac à sable, des coups d’État ont ensanglanté les murs du Palais, N’Djamena a été ravagé par la guerre civile et un avatar gorane de Pol Pot a fait de la torture un instrument de pouvoir.
Lorsqu’en décembre 1990 Idriss Déby Itno s’empare de la capitale, toutes les causes du mal tchadien, tel qu’il se posait le jour de l’indépendance, sont là, intactes. Absence de conscience nationale et de notion de l’État, tribalisme, extrême dépendance vis-à-vis de l’extérieur, mentalité d’assisté, sous-développement absolu.
Vingt et un ans plus tard, où en est le Tchad ? Jugé à l’aune de 1990, la seule qui vaille, il a incontestablement progressé, même s’il est encore bien loin du Graal de la bonne gouvernance. N’Djamena s’est métamorphosé, les différends politiques ne se règlent plus à coups de kalachnikov ou dans les cellules de la sinistre Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), une opposition désunie mais pugnace fait entendre sa voix et l’argent du pétrole a eu sur les progrès économiques et sociaux du pays des effets collatéraux incontestables.
Surtout, le puzzle que constitue la population tchadienne, longtemps disjoint, commence enfin à prendre les allures d’une mosaïque d’ensemble. Encore faut-il, pour en découvrir le dessin, prendre de la hauteur…
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