Afghanistan : la descente aux enfers du sergent Bales

Comment un soldat américain sans histoire a-t-il pu massacrer froidement seize villageois dans la région de Kandahar ?

Robert Bales, pendant un exercice au Centre national d’entraînement, à Fort Irwin (Californie). © Ryan Hallock/AFP/SIPA

Robert Bales, pendant un exercice au Centre national d’entraînement, à Fort Irwin (Californie). © Ryan Hallock/AFP/SIPA

Publié le 30 mars 2012 Lecture : 3 minutes.

C’était un homme tranquille, marié, père de deux enfants et décoré pour bonne conduite. Pourtant, le 11 mars, un peu avant l’aube, le sergent Robert Bales a pris son arme et quitté la base américaine de Panjwayi, dans la province de Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan. Il s’est rendu dans deux villages des environs et a froidement abattu seize personnes – femmes, enfants et vieillards compris – avant de brûler leurs cadavres. Arrêté et transféré aux États-Unis, ce Monsieur Tout-le-Monde de 38 ans attend son procès dans une cellule d’isolement et jure « ne plus se souvenir de rien ».

Robert, dit Bobby, Bales a grandi à Norwood, dans l’Ohio. À 20 ans, il est la star de l’équipe locale de football américain. Après des cours d’économie à l’université, il abandonne ses études en 1996. Selon Me John Henry Browne, son avocat, il aurait ensuite travaillé dans la finance, avant de créer avec son frère une société d’investissement. Très marqué par les attentats du 11 septembre 2001 (« les terroristes avaient blessé quelque chose en lui », explique l’un de ses anciens camarades »), il choisit, à 27 ans, de s’engager dans l’armée. C’est un tireur d’élite, mais aussi un homme en quête de reconnaissance – très endetté de surcroît. Il va vite accumuler les frustrations. Entre 2003 et 2010, il séjourne à trois reprises en Irak. Bilan : une grave blessure au pied et une lésion cérébrale. « Bobby » songe alors à poser ses valises et à devenir instructeur, mais, fin 2011, ses supérieurs en décident autrement : il est expédié en Afghanistan.

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Clémence pour les tueurs

Dans le passé, les nombreux crimes de guerre commis par ?des soldats américains n’ont pas été sanctionnés par de lourdes condamnations. C’est le moins que l’on puisse dire. Deux scandales restent dans toutes les mémoires.

En 1968, après le massacre de plusieurs centaines de villageois vietnamiens à My Lai, vingt-six officiers et soldats sont inculpés. Tous sont relaxés, sauf le lieutenant William Calley, qui est condamné à la prison à perpétuité. Il sera libéré après trois ans et demi d’assignation à résidence.

En 2005, à la suite de la diffusion de photos de prisonniers irakiens torturés et humiliés à Abou Ghraib, onze soldats américains sont condamnés à des peines allant de la radiation de l’armée à dix ans d’emprisonnement. Chef des tortionnaires, le caporal Charles Graner a écopé de la peine la plus lourde. En août 2011, il a été libéré sur parole. Il ne sera resté que six ans et demi derrière les barreaux.

J.S. 

Avec son bataillon, le sergent Bales est affecté dans la province de Kandahar, où il est notamment chargé d’assurer la protection des hommes des forces spéciales américaines lors de leurs raids de nuit. La mission est épuisante, les conditions de vie sont spartiates (il est logé dans un conteneur). Une semaine environ avant le drame, un de ses amis saute sur une mine et perd une jambe. Désabusé, Bales envoie à sa femme un SMS laconique : « Dure journée pour les mecs bien. »

Pétage de plombs

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À en croire un responsable américain cité par le New York Times, la tuerie est la résultante d’une « combinaison de stress, d’alcool et de problèmes familiaux : il a pété les plombs ». Version réfutée par son avocat, qui compte plaider « l’altération du discernement ». Non seulement l’armée n’a pas diagnostiqué le stress ­posttraumatique (PTSD) dont il souffrait, mais elle l’a contraint à prendre part à une guerre à laquelle il ne voulait pas participer.

Pour les psychiatres, le cas de Bales est le symptôme de problèmes plus généraux. Par exemple, l’incapacité de l’armée à soigner ses soldats nerveusement épuisés par des années de combats. « Elle veut faire croire que ceux qui commettent des crimes sont des voyous, qu’ils sont des cas isolés, mais c’est faux », explique au quotidien le Dr Stephen Xenakis. Tueur méthodique ou victime collatérale du bourbier afghan, le sergent Bales encourt la peine capitale. 

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