Chine : la lutte des places fait rage au sein du PCC

L’éviction du flamboyant Bo Xilai, patron de la mégapole de Chongqing, témoigne de la férocité de l’affrontement en cours entre néomaoïstes, « Shanghaiens » et réformistes.

Le prince rouge devant le Congrès national du peuple, le 14 mars. © Jason Lee/Reuters

Le prince rouge devant le Congrès national du peuple, le 14 mars. © Jason Lee/Reuters

Publié le 2 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

« Les gagnants deviendront empereurs, les perdants des bandits. » La sagesse chinoise prend tout son sens avec l’annonce, le 15 mars, du limogeage de Bo Xilai (62 ans), chef du Parti communiste pour la municipalité spéciale de Chongqing. Pour cet homme promis au comité permanent, l’instance suprême du parti unique, composée de neuf membres, la chute est vertigineuse. Cet ancien ministre du Commerce avait pourtant tout pour lui. C’est un taizi, un « prince rouge », fils de Bo Yibo, l’un des huit « immortels » qui, au lendemain de la Révolution culturelle, aidèrent Deng Xiaoping à remettre la Chine sur pied. Sa carrière jusqu’ici sans fautes le conduisit jusqu’à Chongqing, la plus grande métropole de Chine et l’emblème de sa croissance économique.

C’est qu’en quelques années Bo Xilai va se forger une réputation de Monsieur Propre luttant contre la corruption et le crime organisé à coups de campagnes spectaculaires rythmées de slogans kitsch et de chants maoïstes entonnés en choeur… Charismatique et télégénique, il plaît aux médias, enflamme les foules et séduit la « nouvelle gauche » intellectuelle et nostalgique du passé. Mais il détonne dans le paysage politique.

Charismatique et télégénique, il s’était forgé une réputation d’impitoyable Monsieur Propre

la suite après cette publicité

C’est une ténébreuse affaire qui a scellé sa disgrâce. Le 6 février, Wang Lijun, vice-maire de Chongqing et « superflic » antimafia, se réfugie au consulat américain de Chengdu avant d’être arrêté. Selon la rumeur, il aurait remis aux autorités américaines des documents prouvant l’implication de Bo dans un projet de coup d’État visant à écarter Xi Jinping, le futur numéro un du pays. Pékin a promis de faire la lumière, mais il n’empêche : c’est la première fois depuis la conspiration de Linbiao contre Mao Zedong, en 1971, que les mots « coup d’État » ou « défection » sont prononcés.

Tragédies historiques

Ce scandale a fourni aux autorités l’occasion qu’elles attendaient. Lors de sa dernière rencontre avec la presse, le 14 mars, le Premier ministre Wen Jiabao a confirmé l’importance « cruciale » d’entreprendre des réformes, sans lesquelles « des tragédies historiques comme la Révolution culturelle risqueraient de se reproduire ». Pour le Parti, la mise à l’écart de Bo Xilai est l’occasion d’éloigner les fantômes du passé. C’est aussi le symptôme de la lutte féroce à laquelle se livrent les factions au pouvoir, sept mois avant le 18e congrès du PCC. L’enjeu est de taille, puisque c’est l’équipe appelée à présider, dix années durant, aux destinées de la deuxième puissance économique mondiale qui sera désignée en octobre. Le président et le Premier ministre céderont leur place à un nouveau tandem. Par ailleurs, sept des neuf membres du comité permanent du Politburo seront renouvelés, ainsi que 60 % des 370 membres du comité central.

Deux clans s’opposent. D’un côté, la puissante Ligue de la jeunesse communiste, fidèle au président Hu Jintao : des réformateurs populistes proches des masses rurales. De l’autre, les taizi, eux-mêmes divisés entre les nostalgiques de Mao, en perte de vitesse depuis la chute de Bo Xilai, et le « club des Shanghaiens », une coterie de nantis souvent éduqués à l’étranger que dirige l’ancien président Jiang Zemin.

la suite après cette publicité

Si Xi Jinping, un « prince rouge », fait l’unanimité, c’est sans doute qu’il a passé son enfance dans les campagnes pauvres du Shaanxi. Bo Xilai, en revanche, a toujours suscité rejet et méfiance, même au sein de son camp. À l’opposé du consensuel Xi Jinping, seul capable de rapprocher les factions hostiles, Bo Xilai ne pouvait qu’apporter la zizanie.

Dans l’ombre, un homme se réjouit sans doute de son éviction : le réformiste Wang Yang, l’un des leaders de la nouvelle génération, qui, ironie du sort, avait précédé Bo Xilai à Chongqing et n’appréciait guère les sempiternelles comparaisons avec son successeur. L’heure de la revanche a sonné : l’éviction de Bo lui ouvrant la voie, Wang peut désormais rêver des plus hautes destinées.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

L’homosexualité est un sujet difficile à aborder en Chine. © Cheung Ka Chun/Archives/AFP

Chine : femme de gay, dur métier !

Contenus partenaires