Débat : l’Afrique est-elle maudite ?
Au moment où le continent connaît un nouveau soubresaut avec le coup d’Etat au Mali, qui vient rappeler la fragilité de son développement démocratique, l’essayiste Axelle Kabou et le financier Lionel Zinsou débattent de son avenir. Afropessimiste ou afro-optimiste, deux visions s’affrontent.
Il est sans doute réducteur de la présenter comme une « afropessimiste » et lui comme un « afro-optimiste ». Mais, à vrai dire, il y a un peu de cela dès lors que l’on confronte les regards d’Axelle Kabou et de Lionel Zinsou sur l’évolution du continent. Après un tonitruant pamphlet, Et si l’Afrique refusait le développement ?, publié en 1991, l’essayiste française d’origine camerounaise est revenue à la charge plus discrètement avec son livre Comment l’Afrique en est arrivée là, sorti l’année dernière. Mais celui-ci n’a pas eu le même écho. Il faut dire que sa thèse d’un continent condamné à l’échec est en décalage avec le décollage économique africain, qui, depuis une dizaine d’années, frise l’évidence. Axelle Kabou reste cependant persuadée que la période actuelle n’est qu’une agréable mais vaine éclaircie. Pour elle, l’Afrique resterait en marge, « larguée ». La prédation et la rente issues de la traite négrière seraient toujours « la matrice ». L’auteure est une adepte de la sentence. Son livre en regorge. « La crise des économies africaines date de la nuit des temps », « l’Afrique a inventé la dépendance destructrice à l’égard de l’extérieur », affirme-t-elle.
Le continent a inventé la dépendance destructrice à l’égard de l’extérieur.
Axelle Kabou
Pour lui donner la réplique, Jeune Afrique a choisi un homme de chiffres, le Franco-Béninois Lionel Zinsou. Allure svelte, mécanique intellectuelle implacable, assurance bonhomme, le neveu du président de l’ancien Dahomey Émile Derlin Zinsou (1968-1969), tout juste sorti de l’École normale supérieure, a travaillé à l’âge de 26 ans pour le Premier ministre français Laurent Fabius, puis pour Danone et Rothschild… Aujourd’hui, il préside l’un des plus importants fonds d’investissement européens, PAI Partners, qui pèse plusieurs milliards d’euros. Depuis ses bureaux parisiens qui dominent le jardin des Tuileries, il scrute avec gourmandise les courbes de la croissance africaine, de la pauvreté, des investissements, de la consommation… Et en tire une conclusion réconfortante, mais argumentée : « L’Afrique peut être la prochaine Chine. »
« Du comparatisme lisse et de l’universalisme de pacotille », répond Axelle Kabou. Ni économiste, ni sociologue, ni historienne, elle est seulement une femme de 56 ans qui travaille seule depuis sa terre d’accueil, la Bretagne, pour tracer son sillon dans le débat africain. Avec orgueil et panache. « C’est mon dernier livre », assure-t-elle. Sans doute un soulagement pour le banquier, qui a consenti « à lire du Kabou ».
Pour en savoir plus sur ce débat, lire ici les interviews d’Axelle Kabou et de Lionel Zinsou.
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