Mohamed Merah, ou le djihad made in France
L’équipée sanglante de Mohamed Merah s’est achevée le 22 mars sous les balles du Raid. Au-delà des complicités présumées qui ont aidé – et peut-être poussé – ce jeune de 23 ans à devenir un tueur en série, ses origines algériennes ne doivent pas occulter le fait qu’il est avant tout un pur produit des banlieues françaises.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 28 mars 2012 Lecture : 3 minutes.
Mohamed Merah est un assassin que la psychologie de l’inversion ne va pas tarder à transformer en martyr auprès de ceux, jeunes, exclus, sociopathes à force d’échecs, qui comme lui voient en une Al-Qaïda fantasmée un substitut à l’insignifiance de leur propre vie. Abattu le 22 mars à Toulouse, en France, en direct live face au monde entier, ce moudjahid solitaire de 23 ans était un tueur aveugle et sans gages terré dans l’angle mort d’un islam totalement perverti. Au nom de quel dieu et de quel prophète peut-on exploser à bout portant la cervelle d’un père et de trois enfants de 4 à 7 ans, après avoir commis trois autres crimes ? Monstrueux certes, mais pas fou, simplement ultraminoritaire par rapport à une rationalité qui n’est pas la sienne, ni celle de ces quelques dizaines de salafistes français ultraviolents pour lesquels Merah est mort l’arme à la main sur le front du djihad, dans le ventre de la bête.
Mohamed Merah s’est structuré avec la certitude que les musulmans étaient pris pour cibles par le reste du monde.
Car même si médias et autorités ont été extrêmement prompts à pointer ses « origines algériennes », comme pour mieux en faire un corps étranger, Mohamed Merah est un Français né en France, pur produit des banlieues françaises, made in France jusqu’au bout de ses frustrations et de sa paranoïa. Son parcours, des quartiers poubelle aux camps du Waziristan en passant par la petite délinquance et les trafics en tous genres, du gamin sans père ni repères, titulaire d’un CAP de carrossier, au terroriste solitaire et surdéterminé, a eu pour cadre et matrice une société française où les responsables politiques sont obsédés par la hantise de l’islam. Peu à peu, le « beau gosse » en Converse et jean taille basse s’est structuré – ou déstructuré – avec la certitude que les musulmans étaient pris pour cibles par le reste du monde. Le champ est large, il est vrai, pour qui veut teinter son désir de revanche d’un vernis religieux et « idéologiser » sa soif de vengeance. Rien qu’en ce mois de mars 2012, un sergent américain en Afghanistan massacre dix-sept villageois – dont plusieurs enfants – avant de brûler leurs cadavres. À Gaza, l’aviation israélienne bombarde : 25 morts, dont un garçon de 12 ans. En France, l’islamophobie irrigue, à droite, les discours de campagne. Sur internet et les réseaux sociaux, Mohamed Merah puise donc chaque jour de quoi nourrir sa haine. Peut-être aussi a-t-il entendu les dernières imprécations d’Abou Moussab al-Souri, nouvelle star du web djihadiste, appelant depuis Damas les combattants de la foi à semer la terreur à la base par des actes aveugles de spree killers – tueurs à la chaîne – afin de maintenir en vie le mythe Al-Qaïda. Une chose est sûre : même si les partis islamistes du Maghreb, confrontés désormais au choc des réalités et des revendications sociales, font chaque jour l’expérience du contraire, Mohamed Merah pensait que « l’islam est la solution » – une solution globale, totalitaire, plus radicale que religieuse puisqu’on ne le voyait guère à la mosquée et, dans son cas d’espèce, meurtrière.
Passé l’hypocrisie d’une trêve politique et d’un deuil de façade qui n’aura été que le prolongement de la campagne électorale par d’autres moyens, les candidats ont repris le fil de la bataille. Il ne sera plus le même, certes. Il y aura un avant- et un après-Toulouse, même si nul ne peut encore prévoir l’impact de ce drame sur la présidentielle du 22 avril. Mais tant que l’on n’aura pas réfléchi sur ce qui a pu transformer un citoyen ordinaire de ce pays en Mohamed Merah, il y aura, en France, d’autres Mohamed Merah. Le 22 mars, jour de sa mort, la police a fermé en toute hâte la fan page qu’un admirateur avait ouverte sur Facebook. En quelques heures, plus de cinq cents visiteurs étaient venus rendre hommage au « héros » de Toulouse…
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