Quand Ciments du Maroc se fige

Si le titre de l’entreprise Ciments du Maroc a bien résisté l’an dernier, 2012 pourrait être plus difficile. En raison notamment d’un retard dans les investissements, dont la concurrence ne manquera pas de profiter.

Le groupe vend surtout dans le sud du Maroc. © D.R.

Le groupe vend surtout dans le sud du Maroc. © D.R.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 30 mars 2012 Lecture : 4 minutes.

En 2011, Ciments du Maroc, filiale de l’italien Italcementi Group, a déjoué les attentes des analystes financiers, qui lui prédisaient une année difficile. Son chiffre d’affaires, de 3,97 milliards de dirhams en 2011 (356 millions d’euros), est en hausse de 9,4 % par rapport à 2010. Quant au résultat net consolidé (984 millions de dirhams), il progresse de 12,8 %. Dans un marché boursier marocain plutôt déprimé, le titre a donc bien résisté sur la place de Casablanca – en recul de plus de 12 % en 2011 -, avec une baisse de 10,4 % sur un an (du 16 mars 2011 au 14 mars 2012). Pas si mal par rapport à son concurrent Lafarge Maroc, dont le titre a chuté de 15,8 % sur la même période.

Résultats honorables

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Ciments du Maroc doit ces chiffres honorables à la bonne santé du marché : fin février, les ventes de ciment dans le royaume avaient progressé de 25,9 % sur un an. Pour Majdouline Fakih, analyste financière chez CFG Group à Casablanca, le secteur a profité d’un contexte sociopolitique favorable : « Avec le Printemps arabe et les élections législatives, les autorités ont été plutôt laxistes en matière de permis de construire. Le BTP a tourné à plein régime, et la construction de maisons traditionnelles marocaines, fortement consommatrices en ciment, a dépassé toutes nos prévisions. » « Les plans de logements et d’infrastructures du gouvernement ont dopé un marché qui avait connu une année 2010 difficile », complète Kais Kriaa, analyste chez AlphaMena, à Tunis.

La valeur reste chère, notamment par rapport aux cimentiers égyptiens.

Du coup, alors que les spécialistes prévoyaient pour 2011 une surcapacité du fait de l’arrivée d’un nouvel entrant, il n’en a rien été. Ciments de l’Atlas, filiale du groupe Addoha, a pourtant démarré sa première usine à Settat (à 70 km au sud de Casablanca) début 2011, la faisant tourner à 90 % de sa capacité – un record pour une première année d’exploitation. Mais les 1,44 million de tonnes supplémentaires apportées par le nouveau concurrent n’ont finalement pas perturbé les autres cimentiers.

« Nous pensions que Lafarge et Ciments de l’Atlas, très présents dans le centre et le nord du pays, allaient descendre dans le Sud, où sont installées les usines de Ciments du Maroc. Mais la hausse de la demande a été tellement forte que les deux cimentiers du Nord, occupés à fournir leurs zones commerciales traditionnelles, ne sont pas venus menacer la filiale d’Italcementi », détaille Majdouline Fakih. Résultat : Ciments du Maroc a continué de vendre à tour de bras dans le Sud, et ses usines de Marrakech, d’Aït Baha, de Safi et de Laayoune ont tourné à 95 % de leur capacité en 2011.

Investissements peu ambitieux

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En 2012, le marché est bien orienté, avec une hausse de la demande prévue de 5,5 %. Mais l’année devrait se révéler périlleuse pour Ciments du Maroc : le groupe pâtit d’un plan d’investissement peu ambitieux par rapport au potentiel du marché. « Ciments de l’Atlas va lancer sa seconde usine dans le Sud-Est, à Beni Mellal, d’une capacité de 1,6 million de tonnes, et Ciments du Maroc n’a pas dévoilé sa riposte. Une augmentation de capacité de l’usine de Safi pourrait être annoncée en avril, mais cela prendra au minimum de douze à dix-huit mois », estime Majdouline Fakih.

-10,4%, c’est la chute de l’action sur un an (1000 dirhams le 14 mars).

Ce délai, qui profitera forcément à la concurrence, est lié notamment à des problèmes de management : la fusion des états-majors d’Italcementi et de Ciments français, l’ancienne maison mère, a pris du retard, et cela joue sur les circuits de décision. « Le PDG de Ciments du Maroc, Mohamed Chaïbi, appelle de ses voeux de nouveaux investissements, mais il n’a pas encore été entendu », regrette l’analyste de CFG Group.

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Lafarge fait le plongeon

L’annonce par le groupe français, leader mondial du ciment, d’une réduction de capital de Lafarge Maroc a jeté un froid à Casablanca fin 2011. « C’était un très mauvais signal envoyé au marché, qui y a vu le signe d’un désengagement, donc d’une absence d’investissement et de perspectives », estime Kais Kriaa, analyste chez AlphaMena. La maison mère, très endettée, avait besoin d’argent frais, mais cette opération a entraîné une baisse de 15,8 % du titre en un an (du 16 mars 2011 au 14 mars 2012) sur la Bourse de Casablanca. Pour compenser, les analystes attendent avec impatience une éventuelle cotation de Ciments de l’Atlas, filiale d’Addoha, qui fait un bon démarrage en 2011.

L’endettement faible de la société (930 millions de dirhams, soit 14 % du capital, d’après CFG Group) pourrait pourtant lui permettre d’être plus audacieuse… Sous la houlette de Chaïbi, l’entreprise a optimisé sa gestion des charges : « Alors que le taux de marge [Ebitda] de Ciments du Maroc était de 31,4 % en 2008, il atteint aujourd’hui 43 %. C’est plus que ce que nous escomptions », observe Kais Kriaa. Le groupe a réussi à optimiser sa fabrication de clinker, mélange de calcaire et de silice nécessaire à la fabrication de ciment. Il a aussi installé un parc d’éoliennes lui permettant des économies d’énergie pour ses installations de Laayoune.

Mais cette amélioration de la rentabilité ne suffit pas à séduire les analystes. Même si CFG Group conseille de conserver la valeur, il prévoit une baisse de 8,6 % du cours de l’action en 2012. Quant à AlphaMena, il conseille plutôt de vendre : « Malgré la demande, la rentabilité du secteur cimentier se dégrade », indique Kais Kriaa, pour qui les titres cimentiers marocains restent chers. Notamment par rapport aux valeurs égyptiennes, très malmenées en 2011. 

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