Chine : femme de gay, dur métier !
En Chine, 80 % des homosexuels se marient avec une femme pour échapper à la pression sociale. Leurs épouses – elles sont environ 24 millions – vivent un véritable calvaire. Mais elles commencent à s’organiser.
On les appelle les tongqi, les femmes de gays. Des épouses de seconde zone, qui n’ont souvent découvert que tardivement l’homosexualité de leur mari. « Quand j’ai trouvé des mots d’amour d’un autre homme dans ses courriels, je suis tombée des nues, explique Xiao Mi, 28 ans. Je ne voulais pas y croire et je lui ai demandé de me dire que ce n’était pas vrai, qu’il n’était pas homosexuel, mais il m’a tout avoué. Il m’a promis de changer, mais au fond je sais bien qu’il ne m’a jamais aimée. » Le couple continue pourtant de faire bonne figure et de partager un appartement cossu, à Pékin. Mais rien ne sera plus comme avant. « Je n’ai plus confiance, assure la jeune femme. Je ne connaissais rien à l’homosexualité avant cette histoire, ce ne sont pas des choses dont on parle beaucoup en Chine. »
La question d’une éventuelle légalisation du mariage homosexuel ne se pose même pas ici. La piété filiale oblige la plupart des hommes à avoir des enfants. Sur les 30 millions, voire davantage, d’homosexuels chinois, on estime qu’au moins huit sur dix sont mariés. Comme Xiao Mi, les épouses se retrouvent souvent désespérées, mais refusent de divorcer par peur du regard des autres. « Que diraient mes parents et mes amis s’ils apprenaient que je me suis mariée avec un gay sans même le savoir ? » « Je comprends que, pour ces femmes, ce soit difficile à accepter, explique Geng Le, qui dirige une association à Pékin. Je leur conseille de divorcer, parce qu’être gay ce n’est pas un choix, nous ne pouvons pas changer. »
Tabou
Mais divorcer n’est pas si simple. En Chine, où l’homosexualité reste un sujet difficile à aborder, être mariée avec un gay ne constitue pas une cause acceptable de divorce. En revanche, vivre seul est très mal vu. Dans les grandes villes comme Pékin, Shanghai ou Canton, les choses sont quand même en train de changer. Des associations ont vu le jour, comme Pink Space, qui offre des conseils et une aide psychologique aux 24 millions de tongqi. Même la télévision nationale CCTV a consacré au phénomène, en début d’année, une émission intitulée « De la part de la vie ». Une façon de dédramatiser ces situations, même si la question du sida était omniprésente dans les débats.
« La solution serait sans doute une meilleure acceptation des gays dans la société chinoise. Il ne faut plus que les gens nous voient comme des personnes malades ou différentes. Si nous pouvions vivre notre sexualité plus librement, il n’y aurait pas de problème », conclut Geng Le.
Le style, c’est l’homme
Même si la question de l’homosexualité reste un sujet vis-à-vis duquel la société chinoise continue de se montrer réticente, on note depuis une dizaine d’années une nette évolution, notamment de la part des autorités. C’est en août 2005 que le magazine Huanqiu (« Globe »), propriété de la très officielle agence Xinhua, a consacré pour la première fois sa couverture à la communauté gay sans fustiger ni mettre à l’index ses membres. Quelques semaines plus tard, la prestigieuse université Fudan de Shanghai a ouvert un cours sur l’homosexualité considérée d’un point de vue sociologique. Les quelque 30 millions d’homosexuels se sentent désormais moins isolés, malgré le regard encore sévère d’une partie de la population. Ils disposent même d’un magazine ayant pignon sur rue. Derrière ses couvertures plutôt neutres, comme la dernière, consacrée aux acteurs du film Sherlock Holmes, Men’s Style propose des suppléments très suggestifs qui en font la première publication gay du pays.
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