Lamine Lezghad, presque impeccable

Humoriste et comédien, le Franco-Algérien a délaissé une carrière d’ingénieur pour se lancer dans le one-man-show. Avec un second degré qui ne passe pas toujours…

En Algérie, les détracteurs de l’artiste lui reprochent d’alimenter les clichés sur les Arabes. © Vincent Fournier/J.A.

En Algérie, les détracteurs de l’artiste lui reprochent d’alimenter les clichés sur les Arabes. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 26 mars 2012 Lecture : 4 minutes.

Cassant sur scène, compatissant dans la vie. Si Lamine Lezghad se moque du public pendant tout son spectacle, il l’attend tout de même à la sortie pour échanger mots et embrassades. Ce rituel, c’est un véritable besoin. Avec attention, il écoute les suggestions de ses fans. « C’est de Lamine ou du charbon ? » lui demande un petit garçon en montrant un crayon. Cette blague, il ne la reprendra peut-être pas, mais il félicite tout de même le jeune comique.

Né à Bab el-Oued, Lamine Lezghad est le fils d’un commandant de bord de la marine marchande qui partait souvent en déplacement avec sa mère et sa soeur tandis qu’il était confié à ses grands-parents, à Alger. Le comédien évoque cette période comme un moment de liberté qui a pris fin lorsque la famille Lezghad est allée vivre en France. Le premier changement de voie de sa vie… Aujourd’hui âgé de 31 ans, l’humoriste a déjà exploré plus d’un monde. Il était sur la bonne voie pour devenir ingénieur quand il a abandonné les mathématiques, leur préférant l’écriture et la comédie. « Au départ, j’avais choisi de me faire une bonne petite place, dit-il. Mais, à peine diplômé de l’École supérieure nationale des ingénieurs de Limoges, j’ai constaté que je m’ennuyais. J’avais besoin d’autre chose. » Lors de sa dernière année d’études, Lezghad joue avec une troupe d’improvisation. La comédie, au fond, est la seule chose qui l’intéresse. Pourquoi ne pas se lancer ?

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Il quitte donc Limoges pour s’installer à Paris. Professeur de maths la journée, il devient élève le soir et prend des cours de théâtre au Studio 77 (aujourd’hui Comédie Nation). Il joue surtout dans des vaudevilles et améliore sa pratique de l’improvisation. Sa sélection pour l’émission On n’demande qu’à en rire, de Laurent Ruquier, diffusée sur France 2, le convainc de se tourner vers l’humour. Le public va le découvrir chaque semaine à la télé. Sa carrière est lancée.

Aujourd’hui, Lamine Lezghad joue son premier one-man-show au Théâtre le Temple, à Paris. Le titre, Impeccable !, se veut à son image. Dans la vie comme au théâtre, le comédien vise la perfection, au risque d’en perdre son naturel. À force de se glisser dans la peau de personnages hauts en couleur, Lezghad semble effacé lorsqu’il redevient lui-même. Plus réservé, moins exubérant, il se coupe la parole tout seul de peur d’être trop bavard. Mais devant un public, le comique est une pile électrique, il danse, grimace et improvise. Sur scène, c’est plus simple, « il n’y a pas besoin de réfléchir ». Encore que…

En Algérie, certains admirateurs le réclament depuis des mois, mais il a aussi ses détracteurs, qui lui reprochent d’alimenter certains clichés sur les Arabes. L’un de ses sketchs, parodiant le clip Thriller de Michael Jackson, a suscité de violentes réactions. Dans la mise en scène de Lezghad, le chanteur ne se transforme pas en monstre, mais en Arabe qui terrorise une comédienne jouant le rôle de Marine Le Pen, accompagné d’une femme voilée, d’un épicier et d’un homme en djellaba…

C’est vrai que le comédien a parfois tendance à verser dans les lieux communs. Dans son show, il se convertit à toutes les religions et adopte toutes les nationalités. Impeccable ! est un véritable tour du monde humoristique, dans lequel on rencontre son père, tellement lent qu’il le soupçonne d’être à moitié antillais, un Chinois d’Algérie devenu plus maghrébin que l’humoriste lui-même ou encore un médecin arabologue spécialiste de la « désarabisation », prescrivant des traitements à base de charcuterie et de vin. « J’aime bien l’humour pseudo-raciste. Je veux dédramatiser, explique-t-il. Il y a un tel niveau d’islamophobie, aujourd’hui, qu’on a l’impression d’être devenus une maladie. Je veux en finir avec cette image. »

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« C’est le Gad Elmaleh de la nouvelle génération. » La comparaison n’est pas anodine, car elle est signée Jimmy Lévy, un ponte dans le milieu comique. C’est lui qui a produit le célèbre humoriste, mais aussi Dany Boon et Elie Semoun. Lamine Lezghad part ainsi avec toutes les chances de son côté, mais il lui faudra rivaliser avec le grand nombre d’humoristes jouant la carte de la diversité. Lui n’a pas, pour l’heure, l’impression d’être catalogué comme artiste maghrébin jouant pour des Maghrébins. Sûr de lui ? Pas toujours. Effrayé à l’idée que « tout retombe », il affirme : « Je veux tout essayer, j’aimerais faire du cinéma, de la comédie musicale… Enfin, il faudrait que j’apprenne à chanter. Parce que si j’aime ça, ça ne veut pas dire que je sache le faire ! » Pas si impeccable, finalement. 

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Impeccable !, jusqu’au 28 avril, Théâtre le Temple, rue du Faubourg-du-Temple, 75011 Paris.

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