États-Unis : Michelle, l’atout charme de Barack Obama
Dans un livre qui n’a pas forcément plu aux occupants de la Maison Blanche, Michelle Obama apparaît comme la meilleure arme de son président de mari, Barack, en vue de sa réélection.
C’est une belle histoire, presque une romance d’aujourd’hui. Entourés d’un personnel nombreux, ils habitent une grande maison, élèvent leurs deux filles et tentent de changer en profondeur la première superpuissance mondiale. Lui s’appelle Barack, elle s’appelle Michelle. Il la surnomme tendrement « Flotus » (First Lady of the United States), elle lui donne du « Potus » (President of the United States). Pour les services de sécurité, il est « Renegade » (« Rebelle »), elle est « Renaissance ». La vie n’est pourtant pas toujours rose à la Maison Blanche. Attendus au tournant par leurs ennemis, observés par leurs amis, ils savent que le moindre de leurs gestes sera analysé.
Les Obama sont mariés depuis 1992. « Pour quelques mois encore, voire plus, ils sont aussi mariés avec nous », commente Jodi Kantor, la journaliste du New York Times qui a enquêté sur le fonctionnement du couple depuis 2008. Son livre, The Obamas (Little, Brown & Company, 368 pages, 17,22 dollars), est une immersion dans le quotidien du pouvoir qui n’a d’autre limite que la porte de la chambre à coucher présidentielle. Entre petite et grande histoire, ragots, on-dit et déclarations officielles s’y mélangent. Comment le couple Obama pratique-t-il le pouvoir et la politique ? Présupposé romantique de l’analyse : le premier président noir de l’histoire des États-Unis est surtout un père et un mari.
Sous contrôle
Michelle a quant à elle vertement réagi au contenu du livre. « C’est une image de moi que certains ont essayé de peindre depuis le jour où Barack a annoncé sa candidature, à savoir que je serais une femme noire en colère. » Tandis que Barack tentait tant bien que mal de respecter ses promesses de campagne, elle a essayé de faire son nid de First Lady, cornaquée par un essaim de conseillers. Femme de caractère qui n’apprécie pas forcément qu’on lui dicte une ligne de conduite, elle a dû accepter que tout soit contrôlé, de la (re)décoration de la Maison Blanche à ses tenues vestimentaires, en passant par ses sorties. « La pression qu’elle subit […] est plus forte que sur n’importe quelle autre première dame, car tout le monde attend d’une femme noire qu’elle commette une erreur », confie à Kantor l’un de ses interlocuteurs. Des erreurs, Michelle en a commis. Une paire de baskets Lanvin à 515 dollars… Un voyage pour un séjour de quatre jours en Espagne à bord d’un avion facturé plus de 11 000 dollars l’heure…
Dans ses courriels, elle laisse passer quelques escarbilles de son mécontentement. Selon Kantor, le malaise a atteint son apogée lors de la parution du livre Carla et les ambitieux, des Français Michaël Darmon et Yves Derai. Selon les auteurs, Michelle aurait déclaré à Carla Bruni-Sarkozy que la vie à la Maison Blanche était « un enfer ». Porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs a vite obtenu un démenti de l’Élysée, mais Valerie Jarrett, conseillère d’Obama et amie proche du couple, a alors suggéré que « Flotus » n’était pas satisfaite. Réaction explosive de Gibbs : « Qu’elle aille se faire foutre ! »
Ils écrivent à quatre mains une version de l’American Dream.
En réalité, Michelle ne s’est pas plainte, mais son insatisfaction et sa volonté de peser sur les choix de son mari se heurtent depuis le début à la pusillanimité des conseillers du président. Barack, lui, se garde bien de dire à sa femme ce qu’elle doit faire ou ne pas faire… L’histoire confine à la caricature. Elle oppose un Barack réformateur, diplomate, prudent et réservé à une Michelle plus provocatrice, qui, si elle réduit souvent son rôle à celui de mom-in-chief (« maman en chef »), se présente aussi comme la gardienne du temple, attachée au respect des promesses du candidat Obama.
Secret des dieux
Au-delà de l’image du couple amoureux et complice, ce qui émerge du livre, c’est l’extraordinaire efficacité politique de leur union. Dans le secret de ces dieux-là, difficile de savoir comment les rôles se distribuent.
Michelle : « Barack n’est pas d’abord un homme politique. C’est un militant communautaire qui explore la viabilité de la politique pour permettre le changement. » Barack : « Alors que je reçois quotidiennement l’avis de nombreux conseillers, à la fin de la journée, c’est Michelle [sa conscience morale, son impartialité] qui domine le brouhaha et me rappelle pourquoi je suis là. »
Complémentaires, sexy et subtilement accordés, les Obama forment une machine de guerre que rien ne semble pouvoir arrêter. Ils réécrivent à quatre mains une version contemporaine de l’American Dream à laquelle chacun peut s’identifier.
Stratèges, ils s’efforcent d’effacer les échecs par une communication millimétrée. La réforme de l’assurance maladie est vidée de sa substance ? Michelle lance une campagne de lutte contre l’obésité (« Let’s Move »). Le Prix Nobel de la Paix envoie des soldats supplémentaires dans l’enfer afghan ? Michelle s’implique auprès des familles de militaires. Résultat, quand la cote de popularité de monsieur s’érode, celle de madame atteint des sommets, et le tout s’équilibre.
Séduite par ce couple secret qui prétend vouloir préserver son intimité, Jodi Kantor ne creuse pas la question du marketing politique. Pourtant, sur ce plan, la famille Obama, c’est de l’or en barre. Professeur à l’Université de New York, David Yermack a démontré que chaque apparition publique de Michelle Obama provoque une augmentation moyenne de 14 millions de dollars de la valorisation boursière des entreprises ayant fabriqué les vêtements qu’elle portait. Sans présumer ni de leur sincérité ni de leur volonté de changer l’Amérique, Renaissance et Renegade n’ignorent pas à quel point leur union est vendeuse. La campagne électorale qui s’annonce en apportera sans doute la preuve.
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