Tunisie : Saïda Agrebi dans la nasse

Très proche de l’ex-couple présidentiel, l’ancienne toute-puissante patronne de l’Association tunisienne des mères, Saïda Agrebi, à été interpellée à l’aéroport de Roissy, en France. Retour sur un parcours qui incarne si bien les dérives de l’ancien régime.

Saïda Agrebi a été interpellée à l’aéroport de Roissy, en France. © Hichem

Saïda Agrebi a été interpellée à l’aéroport de Roissy, en France. © Hichem

Publié le 26 mars 2012 Lecture : 3 minutes.

Figure influente du régime Ben Ali, Saïda Agrebi, dont l’interdiction de sortie du territoire n’avait pas été signifiée à temps, a quitté légalement la Tunisie le 30 juillet 2011. Le tollé avait été tel que le magistrat chargé du dossier avait été dessaisi. Prise au dépourvu par la chute de Ben Ali, Saïda Agrebi avait tenté, en février 2011, de franchir une première fois les frontières tunisiennes, déguisée en vieille handicapée. Le 12 mars, elle a été interpellée à l’aéroport de Roissy (France) en vertu d’un mandat d’arrêt international et placée sous contrôle judiciaire avant une éventuelle extradition vers la Tunisie.

Pataude et grassouillette, cette grand-mère de 67 ans, poursuivie pour malversations et abus dans sa gestion de l’Association tunisienne des mères (ATM), aurait pu servir de modèle aux oeuvres d’art grotesques chères à Néron, avec lequel elle partage un sens inné du despotisme. Habile carriériste, elle a su profiter du système tout en terrorisant son entourage. « Il valait mieux être dans ses petits papiers, car elle était capable, par un mot, de ruiner une carrière », confie un ancien du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), ex-parti au pouvoir.

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Fidèle

Originaire du Sud tunisien, Saïda Agrebi s’est hissée au sommet en jouant des coudes sans jamais déroger à son objectif de réussite. Une bourse d’État lui permet de décrocher un master en santé publique à l’université de Berkeley qui la conduit à encadrer des programmes de santé de la reproduction aux États-Unis et en Jamaïque. Elle intègre ensuite l’Organisation arabe du travail (OAT) et y sera, jusqu’en 1987, directrice du Bureau de la femme arabe active. À cette date, elle vouait déjà une amitié sans faille à Ben Ali, rencontré à Washington lors d’une cérémonie à l’ambassade de Tunisie, dans les années 1970.

Ses propos grivois amusaient beaucoup le couple Ben Ali, dont elle a su flatter l’égo

De retour à Tunis, elle amorce son ascension dans l’ombre grandissante du nouveau président. Elle dirige l’Office national de la famille et de la population (ONFP), puis l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE), avant d’être élue députée en 1999. Lobbyiste hors pair, elle met à profit l’intérêt des organisations internationales pour des thèmes tels que la santé et les droits de la femme, la société civile ou l’immigration pour promouvoir le régime tunisien et se créer un solide carnet d’adresses. Quand elle fonde, en 1992, l’ATM, Ben Ali a déjà tourné le dos à l’ouverture démocratique. Le réseau de l’ATM deviendra une tribune pour la propagande du RCD, pour lequel Saïda Agrebi lève des fonds importants à l’international. Entre deux avions, elle ne perd pas de vue ses intérêts à Tunis et opère un judicieux rapprochement avec Leïla Ben Ali, dont elle saura flatter l’ego. Intelligente et fourbe, elle dénonce les manoeuvriers et se lie durablement avec le couple présidentiel, que ses propos grivois et souvent vulgaires amusaient. Elle assume pleinement son rôle de bouffonne, en recueille les avantages, ne rate pas une fête, noue les intrigues de palais et sert si bien le système qu’elle devient, en 2009, membre du bureau exécutif du RCD.

Mais cette fidèle parmi les fidèles n’a qu’un seul amour, son fils, qu’elle comble de cadeaux, souvent aux frais de l’ATM. Dépenses injustifiées, adhésions non répertoriées, falsification de bilan et non-restitution de véhicules, telles sont les charges retenues contre celle que ses ennemis appellent « la sorcière » et qui symbolise si bien les dérives de l’ancien régime. 

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